Les Américains annoncent l'entame de négociations indirectes entre l'OLP et Israël comme esquisse vers des pourparlers directs. Mais avant même l'annonce de l'émissaire américain, ce processus suscitait un grand scepticisme et un doute persistant. Des divergences fondamentales demeurent sur les dossiers clés au Proche-Orient : tracé des frontières, statut de la ville sainte, devenir des colonies juives de Cisjordanie et à El Qods et droit au retour des réfugiés palestiniens de 1948. Le vice-Premier ministre israélien, l'un des dirigeants du parti Likoud, semble déjà répondre à l'émissaire américain en estimant que les négociations indirectes sont d'ores et déjà vouées à l'échec. De son côté, le mouvement de résistance Hamas a dénoncé le feu vert de l'OLP à l'ouverture de ces négociations. Pour le Hamas, cette démarche faisait perdre toute crédibilité du gouvernement Abbas aux yeux des Palestiniens. En effet, la décision d'entamer les pourparlers sans préalable a été prise sans l'avis des partis se trouvant sous l'égide de l'OLP. A peine lancés, les fragiles conciliabules indirects entre Palestiniens et Israéliens sous la férule des Etats-Unis ont buté sur le contentieux explosif de la colonisation juive à El Qods particulièrement. Israël se permet de démentir tout engagement à geler pendant deux ans un important projet immobilier juif comme l'avait annoncé le département d'Etat américain. Un sentiment de remake est déjà dans l'air. L'annonce de ce même projet dans le quartier de colonisation juif de Ramat Shlomo avait déjà sabordé en mars la précédente tentative de lancement de pourparlers indirects. La bravade israélienne avait créé un froid entre Tel-Aviv et l'administration Obama véritablement gênée par la situation au Proche-Orient. Pourtant, la partie israélienne a le mérite d'être directe. Netanyahu a affirmé, depuis le début du processus, que la construction et la planification à El Qods «va continuer comme d'habitude, exactement comme cela a été le cas sous tous les gouvernements d'Israël au cours des 43 dernières années», disent les Israéliens. En ce qui concerne la ville d'El Qods, dont l'annexion par Israël en 1967 demeure un point essentiel de la question palestinienne, les Palestiniens veulent en faire la capitale de leur futur Etat alors que les Israéliens la considèrent dans son ensemble comme leur capitale «éternelle et indivisible». Pour la partie palestinienne, les déclarations de la perpétuation des projets de colonies «sont une tentative d'embarrasser ou de défier l'administration américaine». Elles «sont à usage interne d'Israël et ne servent pas l'avancée des pourparlers indirects». On parle d'«un accord avec le sénateur Mitchell pour arrêter les déclarations aux médias de nature à tendre le climat». Ainsi, ces pourparlers dits «de proximité» consacreraient les efforts de l'administration Obama pour débloquer le processus de paix au Proche-Orient après le gel des négociations directes en décembre 2008, à la suite de l'agression meurtrière israéliennes contre Ghaza. Depuis le discours du Caire, l'administration Obama s'est engagée à relancer le processus de paix. Mais l'intransigeance d'Israël a favorisé le statu quo. Et les pourparlers annoncés démarrent dans un climat de grande méfiance de la part des Palestiniens. Les divergences ne manquent pas. «Le gouvernement israélien doit choisir, la paix ou la colonisation, et il doit comprendre que paix et colonisation ne peuvent aller ensemble», déclare le négociateur palestinien Saëb Erakat. La partie israélienne se complaît dans son intransigeance et dans son mépris du droit international. Signe que Tel-Aviv n'est pas prêt à faire des «concessions», le Premier ministre israélien a réaffirmé qu'il fallait passer «le plus vite possible» à des négociations directes. «On ne peut pas instaurer la paix à distance avec une télécommande», dira-t-il. L'émissaire américain Mitchell est censé jouer les médiateurs par le biais de navettes entre El Qods, Ramallah et Washington pendant quatre mois. Bien que l'exercice relève du déjà-vu pour les Américains, la première série de pourparlers indirects engagée par Mitchell a été «sérieuse et étendue». Mais Washington a mis en garde Israël et les Palestiniens, c'est-à-dire l'occupant et l'occupé, contre tout acte qui «saperait la confiance». «Comme le savent les deux parties, si l'une ou l'autre prenait des mesures durant ces pourparlers qui, de notre point de vue, saperaient gravement la confiance, nous réagirions en les tenant pour responsables, afin de faire en sorte que les négociations continuent», a déclaré le porte-parole du département d'Etat. Déclaration inouïe quand on sait que les échecs successifs des négociations depuis Oslo sont le fait de la partie israélienne jouissant d'une impunité sans limites. D'autant plus que la réalité sur le terrain plaide pour un scénario archi-connu. A peine l'information de la reprise des négociations rendue publique, les déclarations de plusieurs responsables israéliens laissent déjà entrevoir l'issue négative du dialogue. Image ironique de la situation : le porte-parole américain avait félicité le gouvernement Netanyahou pour sa décision de suspendre pendant deux ans le projet de colonisation de 1 600 nouveaux logements de la colonie Ramat Shlomo. Quelques minutes après, l'annonce est démentie par le ministre israélien de l'Information. Il est désormais clair : l'Etat hébreu n'est pas prêt à faire un quelconque acte de «bonne volonté» pour son allié américain. Autre signe illustrant la position toujours sournoise d'Israël : le pilonnage dans le sud de la bande de Ghaza d'un prétendu tunnel souterrain ainsi que le bombardement de l'ancien aéroport de Ghaza, un édifice pourtant inactif depuis l'Intifadha de 2000. M. B.