De notre correspondant à Oran Samir Ould Ali «Inquiétante, alarmante, difficile, grave […].» Les acteurs impliqués dans la lutte contre le trafic de stupéfiants, réunis hier à Oran dans un séminaire régional pour les wilayas de l'Ouest, n'ont pas eu assez de mots pour qualifier la situation à laquelle l'Algérie est arrivée en l'espace de dix années. «D'un peu plus de quatre tonnes de résine de cannabis saisies en 1999, nous sommes passés à près de 75 tonnes en 2009. Autrement dit, presque 75 millions de grammes», a souligné Salah Abdennouri, directeur d'études, d'analyse et d'évaluation au sein de l'Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie (ONLCDT).Armé d'une foule de chiffres et de statistiques plus effarants les uns que les autres, l'orateur est arrivé à des conclusions très inquiétantes : l'Algérie se mue doucement de pays de transit en pays de consommation (26% du cannabis saisi était destiné à l'usage interne) ; il faut désormais compter avec la cocaïne, le crack et l'opium -même si ces substances ne sont encore disponibles qu'en très petites quantités- ; les moins de 35 ans constituent 85% de l'ensemble des consommateurs (le nombre devrait être plus précis fin juin, à l'issue de l'enquête sur la prévalence de la drogue menée par l'ONLCDT) ; les réseaux de trafic de drogue diversifient les modes de transport de la marchandise... Salah Abdennouri signalera également que le chanvre indien constitue le gros de la drogue saisie en Algérie, la région de l'Ouest étant la plus touchée par le phénomène avec 48% de la quantité saisie provenant notamment du Maroc.Pour lutter contre les ravages de la drogue, l'ONLCDT préconise le triptyque répression-soins-prévention, «unique moyen de réduire l'offre et la demande», expliquera Abdelmalek Sayah, son directeur général. «Les jeunes Algériens sont soumis à une forte pression et peuvent être très facilement attirés par les sirènes des trafiquants de drogue», a-t-il indiqué, mettant l'accent sur la nouvelle philosophie de la législation algérienne qui préfère la «démarche volontaire de désintoxication». Et le meilleur moyen de lutter contre le trafic et la consommation de la drogue est encore de sensibiliser les jeunes. «Pendant que les services de sécurité combattent les trafiquants, les autres composantes de la société doivent sensibiliser aux dangers que l'usage des stupéfiants fait courir. Les écoles, les mosquées, les partis politiques, les cellules familiales… tous doivent prendre part à la lutte», a-t-il souligné. Abdelmalek Sayah a également mis l'accent sur les efforts déployés à travers un programme portant sur la réalisation, dans différentes wilayas, de 15 centres hospitaliers spécialisés, 53 centres intermédiaires et 185 cellules d'écoute et d'orientation pour offrir «un environnement adéquat à la prise en charge thérapeutique des toxicomanes».Il a également fait savoir que trois séminaires régionaux sur le contenu de la loi 04-18 du 25 décembre 2004 relative à la prévention et à la répression de l'usage et du trafic illicites de stupéfiants et de substances psychotropes sont programmés les 26 et 27 mai 2010 à Sétif, les 29 et 30 septembre à Blida et les 20 et 21 octobre à Adrar. «Ces rencontres visent à améliorer les connaissances des personnels chargés de l'application des lois, de permettre l'échange et le partage de connaissances en vue d'une homogénéité dans la compréhension et la mise en œuvre des dispositions de la loi par tous les intervenants concernés, et de renforcer les relations de collaboration et de suivi entre toutes les parties impliquées dans l'application de la loi.» Le séminaire d'Oran regroupe, depuis hier, quelque 250 participants de douze wilayas de l'Ouest autour de quatre thèmes majeurs : «Aperçu général sur le phénomène de la drogue en Algérie, sous tous ses aspects», «les spécificités de la loi n°04-18 du 25/12/2004», «le rôle des magistrats, des services de sécurité et des médecins dans l'application de la loi» et «modalités de coordination entre les différents intervenants dans l'application de la loi». Il reste que, vu l'ampleur prise par le trafic de drogue et la généralisation de sa consommation à toutes les couches de la société algérienne, de nombreux observateurs s'interrogent sur l'issue d'un combat que d'autres pays, autrement plus armés et évolués, n'ont pas encore gagné.