Difficile de dire que la prise en charge du toxicomane algérien est à la hauteur de la dimension que le trafic et la consommation de la drogue ont prise ces dernières années. Alors que la réalité de tous les jours nous démontre que l'usage des stupéfiants s'est généralisé à toutes les couches de la société et que certaines sources impliquées dans lalutte anti-drogue estiment à 300 000 le nombre de toxicomanes, l'Algérie ne dispose que de deux centres de prévention et de soins (centres de désintoxication) à Blida et Oran, et de trois centres intermédiaires de soins (CIST) à Alger, Annaba et Sétif. Pour rappel, le plan d'action que le ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière a établi en 2006 pour le renforcement de la prise en charge des toxicomanes prévoit la création de 15 centres de désintoxication et de 53 CIST, ce qui permettrait de couvrir les besoins sur le territoire national. «Quatre ans après, force est de reconnaître qu'aucun nouveau centre de désintoxication n'a été ouvert et que 20 CIST sur les 53 prévus en sont encore au stade de réalisation. Des problèmes de ressources financières, l'indisponibilité des assiettes foncières et, parfois, la mauvaise volonté des autorités locales sont à l'origine de cette situation», déplore le docteur Slimi Djamel, chargé du programme de lutte contre la toxicomanie à la direction de la prévention au ministère de tutelle. Au deuxième et dernier jour du séminaire régional Ouest, consacré à la loi relative à la prévention et à la répression de l'usage et du trafic illicites de stupéfiants et de substances psychotropes, ce responsable reconnaît qu'il n'est pas encore question de la création de cellules d'écoute et d'orientation dont le rôle tant dans la prévention de la toxicomanie que dans le processus de désintoxication n'est plus à démontrer. Insistant sur le fait qu'aucun pays n'a encore pu maîtriser le phénomène de la toxicomanie, Slimi Djamel a souligné que le consommateur de drogue est néanmoins un malade auquel il convient de prodiguer des soins. «Il ne faut pas perdre de vue que le toxicomane est un membre de la société et qu'il peut avoir une influence sur son environnement et entraîner d'autres personnes», a-t-il averti en encourageant également la prise en charge thérapeutique de la famille du drogué «parce que, avoir un membre toxicomane est une catastrophe pour la famille». Pour lui, la prise en charge du toxicomane est évidemment médico-sociale et ne saurait se satisfaire de la seule médication. «Le processus qui peut prendre des mois, voire des années requiert tout à la fois les médicaments, l'assistance psychologique et l'implication de l'environnement social», a-t-il énuméré en rappelant que le volet formation des spécialistes, généralistes et psychologues constitue une préoccupation immédiate des autorités. Malgré l'absence d'une réelle évolution dans la prise en charge du toxicomane, le responsable de la prévention au ministère de la Santé ne désespère pas de voir la lutte contre la toxicomanie en général et la prise en charge du toxicomane en particulier gagner en efficacité et en maturité : «Les structures existantes ne suffisent pas à répondre aux besoins en soins des usagers mais la réception attendue des infrastructures hospitalières et sanitaires amélioreront certainement leur prise en charge.» Alors que les ravages de la toxicomanie sont d'une cruelle actualité, la prise en charge est encore conjuguée au futur incertain. Surtout pour les toxicomanes.