Le taux d'inflation a atteint 4,1 % dans la zone euro, un record depuis la création de cette zone dont la Banque centrale européenne avait fixé le taux d'inflation tolérable à un maximum de 2%. Une hausse inquiétante car elle marque le ralentissement économique annoncé chez les Quinze accentué par les effets du pétrole cher et de l'euro fort. En Europe, depuis la fin de l'année dernière, les prix à la consommation ne cessent d'augmenter, conséquence de la hausse des prix de l'alimentation (céréales, lait, fruits et légumes) et des hydrocarbures. Cette tendance à la hausse des prix est d'autant plus inquiétante que les effets de la crise financière mondiale commencent à se faire sentir en Europe. Pour lutter contre ces pressions inflationnistes, la BCE (Banque centrale européenne) avait relevé son principal taux d'intérêt, début juillet, à 4,25%. Mais c'est loin de régler les problèmes de l'économie européenne qui s'amoncellent : rebond du chômage et ralentissement de l'activité économique. Ces pressions inflationnistes qui s'accompagnent de nets signes de stagnation économique laissent apparaître le spectre d'une récession. L'Europe qui semblait mieux résister que les Etats-Unis aux turbulences économiques au premier trimestre de cette année -où la zone euro avait affiché une croissance inespérée de 0,8%- est aujourd'hui face à un scénario des plus pessimistes. Pour Holger Schmieding, analyste chez Bank of America, cette rafale de mauvais indicateurs «force même les observateurs les plus optimistes à concéder qu'on ne peut plus exclure une récession technique», soit deux trimestres consécutifs de baisse du PIB. Par mauvais indicateurs, Holger Schmieding fait référence au taux record de l'inflation et au taux de chômage dans la zone euro qui a augmenté en mai pour la première fois depuis près de quatre ans, selon des données de l'Office européen des statistiques, Eurostat. Ce sont, donc, ces nouveaux chiffres de la croissance et du chômage qui nourrissent les craintes d'un fort ralentissement économique. D'autres économistes font état d'un autre mauvais indicateur : l'indice de confiance économique. Ce dernier, qui résume l'opinion des chefs d'entreprises et des consommateurs, a ainsi accusé en juillet son plus fort recul mensuel depuis les attentats du World Trade Center, et est tombé à son plus bas niveau depuis mars 2003, selon des données publiées la semaine dernière. La Banque centrale européenne se trouve entre le marteau et l'enclume : relever les taux d'intérêt pour lutter contre l'inflation, mais au risque de casser la croissance. Si la décision que va prendre la BCE, dont la réunion est prévue à la fin de la semaine à Francfort, reste celée, il est néanmoins certain que la zone euro connaîtra un ralentissement de la croissance au deuxième trimestre de l'avis de tous les économistes. Ces derniers tablent leurs prévisions sur des constats tangibles. En Belgique, à titre d'exemple, qui est pour le moment l'un des seuls Etats membres à avoir publié ses performances, la croissance y est tombée à 0,3% après 0,5% au premier trimestre. Un fait inquiétant puisque son économie, très tournée vers l'extérieur, est jugée représentative de la tendance européenne. Même tendance en Espagne, où la Banque centrale a indiqué que le PIB a progressé de 0,1% au deuxième trimestre par rapport au trimestre précédent. Quant à l'Allemagne, qui avait dopé l'économie européenne grâce à une croissance de 1,5% au premier trimestre, la banque centrale Bundesbank a averti que cette performance ne sera pas renouvelée au deuxième trimestre. La BCE mise à l'épreuve Cela amène la BCE à espérer un éventuel ralentissement de l'inflation. Ce scénario semble probable pour certains économistes. Cédric Thellier, de chez Natixis, considère que «l'inflation devrait avoir atteint un pic et commencer à ralentir progressivement dans les mois à venir». Parallèlement, si le chômage remonte dans les prochains semestres, les revendications salariales seront plus limitées. Du coup, cela «devrait augmenter la marge de manœuvre de la BCE pour baisser ses taux», selon l'économiste, qui anticipe un premier assouplissement monétaire en mars prochain. Selon une enquête de Reuters, réalisée auprès d'économistes, la Banque centrale européenne devrait laisser ses taux d'intérêt inchangés pendant une bonne partie de 2009. Tous les économistes interrogés par Reuters anticipent un statu quo monétaire de la BCE, à 4,25%, à l'issue de sa réunion du 7 août prochain. La plupart d'entre eux ont estimé que la BCE va être contrainte de laisser ses taux inchangés bien plus longtemps encore. L'enquête montre que, globalement, les économistes tablent sur un statu quo monétaire jusqu'au deuxième trimestre de l'année prochaine, période à laquelle l'inflation devrait avoir considérablement diminué, permettant à la BCE de se concentrer davantage sur le soutien à la croissance. Ce scénario est le même que celui de la précédente enquête, début juillet dernier. Près d'une vingtaine d'économistes interrogés par Reuters tablent sur une hausse de taux à 4,5% ou plus d'ici la fin de l'année et seuls trois d'entre eux anticipent une baisse de taux d'ici là. Certains économistes jugent que la BCE devra attendre un recul marqué des cours pétroliers et une diminution des pressions sur les salaires avant d'infléchir sa position anti-inflation. En résumé, il est désormais évident que l'économie mondiale prend deux directions à la fois : les prix à la consommation grimpent et les prix des actifs, les prêts, les introductions en Bourse et la confiance des consommateurs baissent. Un boom et un krach en même temps ! Une situation explosive qui s'appelle la stagflation. H. Y. Quelques indices de la stagflation en zone euro - L'inflation s'est affichée à un niveau record de 4,1 en juillet. L'inflation en zone euro est plus de deux fois supérieure au plafond fixé par la BCE. - L'indice PMI manufacturier de la zone euro, qui mesure l'activité industrielle, a reculé en juillet, au plus bas depuis plus de cinq ans. Ce dernier aurait baissé à 47,4 points. On rappellera qu'un indice inférieur à 50 signale une contraction de l'activité du secteur. En outre, les ventes de détail ont affiché une baisse plus importante que prévu en juin, selon des chiffres provisoires qui viennent confirmer la tendance d'une consommation des ménages à la peine. - L'indice de confiance économique, qui résume l'opinion des chefs d'entreprises et des consommateurs, a accusé en juillet son plus fort recul mensuel depuis les attentats du 11 septembre 2001. Il est tombé à son plus bas niveau depuis mars 2003. - Le chômage qui a augmenté en mai pour la première fois depuis près de quatre ans, selon des données de l'Eurostat, qui fait désormais état d'un taux de 7,3% en mai comme en juin.