Le Canada accueillera du 25 au 27 juin prochains des sommets des pays industrialisés du G8 et des pays riches et émergents du G20, destinés à renforcer la coopération internationale à l'heure où de plus en plus d'incertitudes pèsent sur la reprise de l'économie mondiale. Les dirigeants du G20 se pencheront en fait sur une économie mondiale en pleine reprise. Mais elle se remet à des rythmes divers de la récession: face à l'insolente santé des pays émergents, l'Europe, plombée par la crise de la dette, est toujours convalescente. «La reprise est au rendez-vous partout et va beaucoup plus vite que ce que l'on pouvait imaginer au plus fort de la crise», estime l'économiste Véronique Riche-Flores, de la Société générale. Le Fonds monétaire international (FMI) a ainsi revu à la hausse en avril sa prévision de croissance mondiale pour cette année, qui devrait être de 4,2%. Cependant, après la plus grave crise depuis l'après-guerre, cette embellie recèle des réalités disparates, résumées par deux données : un redémarrage laborieux dans la zone euro (+1%) et un rebond phénoménal en Asie (+8,7%), tiré par la croissance chinoise (+10%). Entre les deux, les Etats-Unis (+3,1%), les pays émergents comme l'Inde (+8,8%) ou le Brésil (+5,5%), mais aussi l'Afrique (+4,7%) font nettement mieux que le Vieux Continent. Les mises en garde se sont donc multipliées. «Le principal défi pour les dirigeants du G20 est de mettre en place une stratégie et un calendrier de sortie des mesures de relance de l'économie de manière à ne pas saper la reprise, tout en assurant la stabilité budgétaire et financière sur le moyen terme», explique l'économiste Eswar Prasad dans une note de la Brookings Institution. Ainsi, le directeur général du FMI Dominique Strauss-Kahn, recommande aux dirigeants européens de «mettre l'accent sur la stimulation de la croissance», sans quoi «les problèmes de dette seront beaucoup plus difficiles à résoudre». Plus alarmiste, le prix Nobel Joseph Stiglitz a récemment prévenu que l'Europe courrait «au désastre» si elle mettait en œuvre «un plan coordonné d'austérité», alors que des plans plus ou moins drastiques commencent à être annoncés dans les pays européens. Finalement, le salut pourrait venir des effets conjugués de la baisse de l'euro, qui dope les exportations européennes, et du dynamisme grandissant des pays émergents, dont la demande intérieure commence à donner des signes encourageants. «Pour la première fois, la croissance des émergents se révèle être un moteur pour la reprise des pays industrialisés», note Véronique Riche-Flores. La crise a d'ailleurs «accéléré» le rattrapage des uns par les autres, selon un rapport publié mercredi par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). «Le poids économique agrégé des pays en développement et des pays émergents est sur le point de dépasser celui de l'ensemble des pays développés», assure l'organisation, dont la trentaine d'Etats membres, parmi les plus riches de la planète, ne représenteront plus que 43% de l'économie mondiale en 2030. Ce dépassement pourrait être déjà intervenu. «Pour la première fois, les pays avancés fournissent moins de la moitié de la production industrielle mondiale», affirme l'assureur crédit Euler Hermes, pour lequel cette «grande rupture» traduit une «désindustrialisation accélérée» des Etats riches. Mais «pour parvenir à une croissance mondiale plus équilibrée, il faudra aussi faire évoluer la politique de change chinoise [le yuan étant jugé sous-évalué, ndlr] et mettre en œuvre des réformes structurelles en Chine, des pays comme l'Allemagne et le Japon qui dépendent toujours fortement des exportations et doivent faire en sorte que leur croissance soit davantage tirée par la consommation intérieure», prévient Eswar Prasad. Moyen-Orient et Afrique du Nord : vers la reprise La Banque mondiale, par ailleurs, a estimé que l'économie du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord semble en passe de se redresser et sortir de la crise financière mondiale et de la récession, malgré les vents contraires qui soufflent sur l'environnement international, selon l'édition 2010 des Perspectives économiques mondiales. L'évolution récente indique une hausse des revenus provenant des hydrocarbures et des exportations de marchandises, avec un début d'effet d'entraînement sur la croissance de la production pétrolière et industrielle. Si la reprise économique mondiale se poursuit, elle est confrontée à de nouveaux obstacles sur la voie de la croissance durable à moyen terme. «Les pays en développement ne sont pas à l'abri des effets de la crise de la dette souveraine des pays à revenus élevés», estime Andrew Burns, directeur du service chargé des questions de macroéconomie internationale à la Banque mondiale. «Mais nous nous attendons à ce que de nombreuses économies continuent d'obtenir des résultats satisfaisants si elles privilégient les stratégies de croissance, favorisent un climat propice aux affaires ou optimisent les dépenses. Leur objectif consistera à faire en sorte que les investisseurs continuent de faire la différence entre leurs risques et ceux de ces pays à revenu élevé.» Les perspectives pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord (MENA) continueront d'être déterminées par les prix du pétrole et l'activité économique dans l'Union européenne (UE), principal partenaire commercial de la région. L'effondrement des prix du pétrole au début de la crise financière, conjugué aux restrictions de la production de l'OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole), ont sensiblement réduit les recettes pétrolières, amputant les flux d'investissement étrangers directs intra-régionaux, les envois de fonds des migrants et les recettes du tourisme. Toutefois, les volumes et les valeurs des exportations devraient rebondir, augmentant respectivement de 2 % et 13,5 % en 2010. De plus, il est prévu que la reprise dans la région va se raffermir, le taux de croissance progressant de 4 % en 2010 à 4,3 % et 4,5 % en 2011 et 2012, respectivement. R. E