Les Colombiens ont voté hier pour la poursuite de la politique de fermeté à l'égard de la guérilla, en élisant Juan Manuel Santos, ex-ministre de la Défense du gouvernement sortant, pour succéder à Alvaro Uribe. «Santos, c'est Uribe», résumait une militante du mouvement du président élu, le Parti social d'union nationale (droite), venue fêter sa victoire dans une salle de spectacle de Bogota. Juan Manuel Santos, 58 ans, élu avec 69% des voix contre 27,5% pour son rival, l'ex-maire de Bogota Antanas Mockus, a d'ailleurs, dans son discours de victoire, promis à la guérilla encore plus de fermeté. «Le temps des Farc est compté», a-t-il soutenu sous les applaudissements de ses partisans. «Nous continuerons à les affronter avec toute la dureté et la fermeté nécessaires», a-t-il ajouté, en appelant la guérilla à libérer tous ses otages immédiatement «de manière unilatérale». Son élection, avec un nombre de votants «sans précédent», soit neuf millions d'électeurs sur 14, prouve que les Colombiens soutiennent toujours les politiques d'Alvaro Uribe. Formé à la London School of Economics, trois fois ministre, il a déjà à son actif des victoires retentissantes contre la guérilla, notamment «l'opération Jaque» qui avait permis d'arracher aux Farc, le 2 juillet 2008, 15 de ses plus précieux otages, dont la Franco-colombienne Ingrid Betancourt. Les analystes soulignent, toutefois que Juan Manuel Santos n'aura pas le même style que son prédécesseur. Issu de la classe dirigeante colombienne, comptant de nombreux réseaux à l'étranger, M. Santos sera plus «technocrate» et tendra à privilégier le «dialogue et la négociation», estime M. Vargas. «Santos, c'est la continuité, mais avec moins d'agressivité dans les mots», résume un diplomate étranger. A l'intérieur, il a déjà annoncé qu'il souhaitait former un «gouvernement d'union nationale», qui pourrait même intégrer son rival. M. Santos devra s'atteler à la poursuite de la lutte contre la guérilla, un conflit qui a perdu en intensité mais continue à tuer des Colombiens. Il devra également lutter contre le chômage et la misère qui touche 46% des Colombiens. A l'étranger, il doit faire face à l'hostilité de deux des voisins de la Colombie : l'Equateur, où il avait ordonné en 2008 une attaque contre un campement des Farc, tuant 26 personnes, dont son numéro deux Raul Reyes, et le Venezuela, où Hugo Chavez l'a qualifié de menace pour la paix régionale. Dimanche soir, il a adressé un message conciliateur à ses voisins, assurant que la «diplomatie serait maîtresse de nos relations internationales» et considérant qu'il leur faudra «travailler la main dans la main». Selon un diplomate européen, il a prévu de se rendre rapidement en vacances en Europe, où il devrait rencontrer certains dirigeants. Son grand défi sera également, de l'avis des observateurs, sa capacité à se dissocier du président sortant, présenté pendant la campagne comme son mentor, notamment sur le sujet sensible des violations des droits de l'Homme.