Les Farc, guérilla marxiste, ont été inscrites par les Etats-Unis sur leur liste de 28 organisations terroristes. La Colombie a appelé dimanche ses voisins à un combat commun contre la guérilla et la drogue sur ses 6 341 km de frontières pour y éviter la création de sanctuaires par les rebelles et les narcotrafiquants. «Nous voulons éviter que les groupes violents cherchent refuge dans les pays limitrophes. Et pour ce faire, nous allons développer des actions militaires conjointes avec nos voisins», a annoncé la ministre colombienne de la Défense, Mme Martha Lucia Ramirez. La Colombie semble entraînée dans une nouvelle phase de guerre. De violents combats entre les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc, guérilla marxiste) et les paramilitaires entre le 9 et le 13 août dans le Sud se sont soldés par des bilans divergents, 15 morts selon la police et plus de 100 d'après des témoins oculaires. Survenus dans une zone difficile d'accès à Valparaiso, à 700 km au sud de Bogota, capitale du pays, les affrontements ont provoqué le déplacement de nombreux civils. La semaine dernière, 2 conseillers municipaux de La Pena (70 km au nord de Bogota) ont été assassinés et un autre a été blessé lors d'une attaque menée par la guérilla des Farc et 7 réfugiés de la guérilla marxiste, qui compte dans ses rangs 17.000 hommes, ont été bombardés il y a une semaine par les forces aériennes colombiennes. Cette offensive aérienne, la première depuis la signature du décret sur l'état d'exception par le nouveau président, Alvaro Uribe, élu le 26 mai dernier, s'est achevée au moment où débutait à Bogota la visite de 48 heures du secrétaire d'Etat adjoint américain aux affaires politiques, Marc Grossman. Les Américains voulaient témoigner de leur appui «aux efforts colombiens pour défendre la démocratie face à la menace du terrorisme et de la drogue». Pour la première fois depuis le lancement du Plan Colombie antidrogue en 2000, les 2 milliards de dollars de l'aide de Washington et les 79 hélicoptères, dont 16 Black Hawk, et 800 conseillers américains, à savoir 500 militaires et 300 civils, dépêchés pour répandre par voie aérienne des herbicides sur les 150.000 h de coca, matière première de la cocaïne, sont désormais à la disposition de l'armée colombienne pour également combattre les groupes armés, à la suite d'un récent vote en ce sens du Congrès des Etats-Unis. Les Farc sont accusées par le pouvoir colombien d'être les auteurs de l'attaque du palais présidentiel avec quatorze roquettes de 120 mm, pendant la passation des pouvoirs entre le conservateur Andrés Pastrana et Alvaro Uribe. Cette grêle meurtrière a fait 21 morts et plus de 50 blessés parmi les civils autour du palais. Pour rappel, les Farc ont été inscrites par les Etats-Unis sur leur liste de vingt-huit organisations terroristes. Le leader de la gauche social-démocrate, Luis Eduardo Garzon, candidat malheureux à la présidence contre Alvaro Uribe, a estimé que les récentes actions violentes des groupes illégaux «ont donné un argument irréfutable au gouvernement pour déclarer l'état d'exception». Les deux alliés, Washington et Bogota, ont même poussé leur logique d'alliance plus loin. Le gouvernement colombien a fait savoir samedi qu'il accepterait la demande américaine de ne pas déférer de soldats américains devant la Cour pénale internationale (CIP). Le vice-président colombien, Francisco Santos, a expliqué que cette requête, faite dans la semaine par un haut responsable du département d'Etat américain, ne poserait aucun problème à Bogota. Washington a approché plusieurs pays en vue de conclure des accords bilatéraux garantissant aux soldats américains, assurant des opérations de maintien de la paix, de ne pas être extradés vers la CPI. La Roumanie et Israël notamment ont accepté. La Suisse, elle, a refusé. Cette position officielle est en tout cas critiquée par El Tiempo, principal quotidien colombien, qui a écrit samedi que «la manière dont les Etats-Unis sabotent la CPI est franchement exaspérante». Washington compte suspendre son aide militaire aux pays ayant ratifié le traité portant création de la CPI, sauf ceux s'engageant par un accord à protéger les soldats américains de toutes poursuites. Le président sortant, Andres Pastrana, avait ratifié le traité peu avant de céder la place à son successeur. Pendant ce temps, le pays profond s'enlise dans cette guerre qui a fait 200.000 morts depuis 1964. Le 13 août, la Fondation pour le progrès des droits humains (Fpdh) réclame la déclaration de «crise humanitaire» pour répondre à l'incapacité de l'Etat de faire cesser les violences. La situation est particulièrement préoccupante à Cúcuta (791 assassinats déjà cette année): si on compte en Colombie 64 meurtres pour 100.000 habitants - ce qui est déjà énorme - ce chiffre atteint 94 à Cúcuta (à Medellin, c'est encore plus élevé).