Il y avait comme une ambiance de deuil au soir du vendredi 3 juillet 2010 dans les rues et les chaumières de la ville aux sept collines. Les nombreux supporters des Lions indomptables reconvertis en fans des Black Stars du Ghana depuis la débâcle de leur sélection nationale ont eu du mal à avaler la pilule amère que leur a servie l'équipe du Ghana en quarts de finale de ce Mondial sud-africain. Dépités, consternés, profondément abattus, on manquait pratiquement d'adjectifs pour exprimer le désarroi de ceux qui retournaient à leurs domiciles respectifs, la mine défaite. Tant ils avaient porté leurs espoirs sur cette jeune équipe qui a longtemps gardé allumée la flamme du football made in Africa. On pouvait donc facilement comprendre cette déception car le Ghana, dernier représentant de l'Afrique encore en lice, en tombant devant l'Uruguay, a non seulement manqué la qualification pour les demi-finales mais est également passé à un doigt d'entrer dans l'histoire. Et cette défaite, les Camerounais, comme bon nombre d'africains, l'ont prise comme une fatalité. Pourtant, quelques heures avant ce match, les rues de la capitale politique grouillaient de monde. Des fans vêtus des maillots blancs et arborant des gadgets aux couleurs des «Black Stars». Au marché Mokolo, on pouvait même apercevoir des drapeaux du Ghana flotter sur des comptoirs de certains commerçants. L'ambiance générale n'avait alors rien à envier à celle perceptible dans les rues d'Accra. Yaoundé ne vibrait plus qu'au rythme du «black star spirit». Mais le penalty manqué par Gyan dans les arrêts de jeu va complètement déteindre sur cette ambiance bon enfant. Au quartier Etoug-Ebe, où vivent quelques ressortissants ghanéens, un écran géant avait rassemblé dans un petit stade près de 200 personnes. Une foule aux couleurs ghanéennes rouge-jaune-vert. Le quartier avait alors pris des airs d'Afrique en miniature : Camerounais, commerçants ivoiriens, Sénégalais, Maliens, Guinéens et quelques Maghrébins venus soutenir leurs voisins ghanéens ont cru jusqu'au bout en leur bonne «étoile noire». Mais en vain. Ne dit-on pas que l'histoire est têtue ? Le fameux penalty raté par Gyan dans les dernières secondes de la prolongation va plonger la foule dans de profonds regrets. «Gyan nous a tués ! Qui lui a même demandé d'aller tirer ce penalty ? C'est réservé aux joueurs expérimentés !» pouvait-on entendre dans la foule. Pour ces supporters, Stephen Appiah aurait fait l'affaire. D'autres fans des Black Stars imputent ce penalty manqué à la «poisse», cette mauvaise graine, disent-ils, propre aux équipes africaines. «C'est quoi cette malchance ? Ce petit-là a pourtant déjà marqué deux penaltys dans cette compétition ! Dieu nous a donné la chance de l'Afrique mais nous avons reçu ce cadeau divin. Nous sommes vraiment maudits», commente Christian Djomo, fan des «Black Stars». Ce Ghana qui a fait tant rêver l'Afrique, on espérait le voir illuminer cette compétition qui se déroule pour la première fois sur le continent africain. Mais finalement «Dieu était uruguayen. L'Afrique n'est vraiment pas faite pour ce genre de compétition. Il ne pouvait en être autrement», croit savoir Mamadou, boutiquier malien. La série des tirs au but est venue enlever aux supporters toute la saveur qu'ils avaient rien qu'à voir évoluer l'équipe ghanéenne. Très déçus du résultat, certains habitués des cafétérias ont eu de la peine à commander une tasse de café ou un bol chaud de lait comme c'est généralement le cas tous les soirs. La déception se lisait aussi sur le visage de nombreux propriétaires de petits commerces, qui escomptaient une victoire pour faire de bonnes affaires. Dommage. Cependant, certains supporters se félicitent de la prestation du Ghana et ajoutent que l'esprit combatif des Black Stars devrait servir d'exemple au Nigeria et même à toutes les autres équipes africaines. Car le Ghana est un pays «qui montre l'exemple d'une bonne politique en matière de formation et de suivi des footballeurs et surtout la perspicacité d'un sélectionneur qui a eu deux ans pour bâtir une vraie machine de guerre. Que cet exemple puisse faire tache d'huile auprès des autres équipes comme le Cameroun où l'improvisation est la chose la mieux partagée», commente un observateur. C. T. * In Mutation