Que l'on veuille ou pas, la France est le pays avec lequel l'Algérie partage le plus d'histoire, parfois tumultueuse, mais surtout passionnée. Or, ces relations constituent une référence pour les autres pays de l'espace Schengen, qu'elles soient politiques ou économiques, au point où c'est la France qui initie la politique de l'espace, en matière de traitement des demandes de visa des Algériens. Selon un rapport de la Cimade, une association œcuménique de solidarité active avec les migrants, les réfugiés et les demandeurs d'asile, le taux de refus de visas d'entrée en France aux Algériens est le plus élevé pour l'ensemble des consulats français dans le monde. Les consulats d'Annaba et d'Alger étaient en 2006 les deux consulats de France au monde ayant le taux de refus le plus élevé, avec respectivement 47,82% et 43,98%. De l'étudiant qui rate ses études au professeur qui manque des conférences, en passant par l'homme d'affaires, que de catégories d'Algériens en étaient lésées par cette délivrance parcimonieuse du sésame pour se rendre dans l'Hexagone. En apparence, les motifs invoqués pour le refus de visa, qui n'ont jusque-là jamais été communiqués aux concernés, sont liés à la dégradation de la situation sécuritaire du pays et à l'émigration clandestine, mais le mal est beaucoup plus profond. Les véritables raisons sont à rechercher notamment dans les relations algéro-françaises, et plus exactement au gré des fluctuations de ces dernières, à mesure que s'amoncellent les dossiers qui fâchent des deux côtés de la Méditerranée. Des dossiers, certes, en rapport avec le lourd passif entre les deux pays qui remonte à la colonisation du pays, mais aussi celui de la circulation des personnes qui, contrairement aux échanges commerciaux, pose problème, en dépit des bonnes volontés exprimées d'améliorer les relations bilatérales. Pourtant, un rapprochement avec la France était bien perceptible dès les années 2000 qui, en adhérant à l'idée du «partenariat d'exception» entre les deux pays et d'une ouverture sur le Sud, à travers l'ambitieux projet de l'Union pour la Méditerranée (UPM) et la levée des barrières tarifaires, avait laissé augurer des avancées dans le règlement des différents dossiers. Il n'en demeure pas moins que le flux était à sens unique. Selon le traditionnel schéma qui fait de l'Algérie un marché traditionnel des marchandises en provenance de la France, alors que le flux contraire n'eut pas lieu, pour cause de la politique des visas suivie jusque-là. Il y a maldonne quelque part. Il est vrai aussi que cette volonté de lever les écueils des visas a entraîné dans son sillage une révision des formalités pour les Algériens, ayant eu pour conséquence de réviser à la hausse le taux enregistré, puisque ces dernières années, le nombre de visas accordés oscille depuis 2000 autour de 150 000 par an contre moins de 60 000 en 1997. Ces chiffres s'expliquent notamment par la décision de la France, prise le 10 novembre 2006, de lever l'obligation de consultation préalable de ses partenaires de la zone Schengen, et la levée de l'obligation de visa pour les détenteurs de passeports diplomatiques qui est effective depuis le 9 août 2007, suite à l'accord signé à Alger par les deux ministres des Affaires étrangères. Cependant, la France a de tout temps initié la politique de l'espace Schengen vis-à-vis de l'Algérie, et en a constitué la référence, ne serait-ce qu'en apposant il y a quelques années le cachet infamant de refus de visa sur le passeport, elle inciterait les autres pays européens à le refuser à leur tour. Comme dans tout partenariat, la relation humaine ne doit pas être négligée pour l'Algérie, qui réclame plus d'équilibre dans ses relations avec ses partenaires européens, une meilleure circulation des biens et des personnes est plus que nécessaire pour établir des relations préférentielles avec ces pays. A. R.