Synthèse de Tassadit Lazili Depuis jeudi dernier, le village d'Aït Hichem abrite comme chaque année la Fête du tapis. Cette neuvième édition, selon les organisateurs de la manifestation, est dédiée aux femmes tisseuses de cette région, «en reconnaissance de leur rôle dans la préservation et la transmission de ce legs culturel» souligne-t-ils à l'APS. Les femmes de Aït Hichem sont initiées au tissage dès leur jeune âge, représentant ainsi «leur source, voire raison de vie». De génération en génération, le tissage représente pour ces femmes tisseuses la meilleure manière d'exprimer leurs sentiments, et c'est aussi un moyen de dire les dures conditions de vie dans cette région montagneuse. En effet, le village d'Aït Hichem, perché sur une crête à 1 200 m d'altitude, dans la daïra d'Aïn El Hammam, à une cinquantaine de km au sud de Tizi Ouzou, il doit sa notoriété à ses femmes aux doigts magiques, «dignes héritières de Na Taoues [doyenne du tapis] qui a quitté ce monde en avril dernier, grâce auxquelles ce produit artisanal a pu traverser des siècles sans subir la moindre ride». Derrière la beauté artistique d'un tapis se cachent également les peines et les souffrances de ces femmes. Souvent refoulées, ces dernières les expriment d'une manière artistique, comme le montrent si bien les motifs berbères qu'elles confectionnent avec amour et passion derrière leur métier à tisser, pour donner forme et vie à autant de symboles chargés de sens et d'émotion, que seuls les passionnés de ce métier peuvent comprendre et interpréter. A travers les symboles et les motifs de décoration, les tisseuses ne font qu'interpréter leur dure condition féminine, et tous leurs maux. Les femmes derrière leur métier à tisser et même pendant la préparation de la laine chantent de longues complaintes (ichawiqan) pour se donner du courage et aussi pour dire tous leurs maux. Le tissage est un métier prenant et fatigant, et il passe par plusieurs étapes pour donner corps au produit souhaité, dans ses multiples variétés, dont les plus célèbres sont aavane (tapis coloré su fond sombre faisant partie de la dot de la mariée) et akhellal (sorte de couvre-lit blanc avec de fines stries), avarnous (burnous). Des modèles uniques d'anciens tapis sont encore conservés par des familles. De cachet typiquement berbère, le tapis d'Aït Hichem se singularise par la richesse de ses motifs décoratifs, porteurs d'une symbolique riche en signifiés, et dont l'histoire raconte le vécu des femmes tisseuses. Chaque motif a sa forme et sa couleur. Les tissages sont ornés de figures géométriques symétriques, agencées et exécutées à la main avec 7 fils colorés. Disposés en lignes, ces symboles sont tissés avec une telle minutie qu'on les croirait brodés de fils multicolores. Au centre de ces motifs, sont incrustés, en filigrane, de petits triangles de laine de couleurs rouge, jaune ou brun clair. Notons que la manifestation est initiée par un comité d'organisation composé de l'APC d'Aït Yahia, l'association Tiliwa et le comité du village d'Aït Hichem, et se poursuivra jusqu'au 14 août, avec la participation de 80 artisans issus de 14 wilayas, ont indiqué les organisateurs.