Le deuxième volet du dialogue stratégique américano-pakistanais, lancé le 25 mars dernier à Washington, s'est ouvert singulièrement tôt, dimanche dernier, avec l'arrivée à Islamabad de la secrétaire d'État américaine, Hillary Clinton, qui a annoncé la couleur d'entrée : plusieurs projets d'aide civile au Pakistan d'un montant total de plus de 500 millions de dollars, contre plus d'efforts dans la lutte contre tous les groupes terroristes, sans exception, présents sur son territoire. Les projets, qui concernent notamment l'eau, l'énergie, l'agriculture, la santé et l'éducation entrent dans le cadre du programme d'aide record au Pakistan, allié des Etats-Unis depuis 2001, de 7,5 milliards de dollars sur cinq ans, voté l'automne dernier par le Congrès américain. Ces investissements visent un double objectif : annihiler le sentiment antiaméricain, nourri notamment par les tirs de drones américains sur les zones tribales frontalières de l'Afghanistan, et convaincre Islamabad d'aligner ses priorités stratégiques sur celles des Etats-Unis. Mais comme après la première phase du dialogue stratégique, l'équation reste la même : ce n'est pas Islamabad, où siège le gouvernement civil, mais Rawalpindi, où se trouvent les quartiers généraux de l'armée (GHQ), qui dicte l'ordre du jour. Et, comme en mars dernier à Washington, le personnage-clé de la visite de la secrétaire d'Etat américaine au Pakistan est le général Ashfaq Kayani, chef des armées. Or, cette fois, les militaires les plus hauts gradés sont bien décidés à faire de la situation économique précaire du Pakistan la priorité des discussions, avant même les problèmes de sécurité et les demandes de matériel militaire, affirme un journaliste pakistanais. Les militaires pakistanais avaient d'ailleurs, dans un premier temps, menacé de refuser l'aide américaine, la jugeant toujours insuffisante. Ils estiment qu'elle doit plus que tripler, à 5 milliards de dollars par an pendant cinq ans. Les politiques font chorus. «Le Pakistan a perdu 43 milliards de dollars au cours des neuf années de guerre, et nos exportations, ainsi que les investissements étrangers, ont été sévèrement touchés», dira le ministre des Affaires étrangères pakistanais, Shah Mehmood Qureshi.Et le rapport direct entre la situation économique désastreuse et le renforcement des rangs des terroristes est vite établi : la pauvreté est un terreau fertile pour l'islamisme radical qui y cultive l'antiaméricanisme et s'y ressource. Pakistanais et Américains s'accordent sur ce point. La divergence est en fait dans l'approche. Mme Clinton a clairement affiché la position américaine. «Nous demandons encore des mesures supplémentaires et attendons des Pakistanais qu'ils les prennent», a-t-elle déclaré à la BBC. «Il ne fait aucun doute» que si «l'origine d'un attentat contre les Etats-Unis remontait jusqu'au Pakistan, cela aurait un impact dévastateur sur notre relation», a-t-elle prévenu. Mais les militaires pakistanais, qui considèrent déjà les aides américaines insuffisantes, accepteront-ils qu'elles soient conditionnées ? Surtout qu'ils ont un atout en main avec la position du Pakistan qui, de plus en plus, apparaît comme un acteur incontournable dans la région, le médiateur dont a besoin Washington pour amener les talibans «fréquentables» à la table des négociations. Car l'idée d'une solution politique semble s'être imposée aux États-Unis et à leurs alliés pour se sortir du bourbier afghan dans lequel ils n'ont pas fini de s'enliser. H. G.