Photo : Riad Par Badiaa Amarni L'autorail ! Un nouveau moyen de transport annoncé en grande pompe et mis en service depuis l'année 2009. Offrant toutes les commodités nécessaires, ce train plus moderne par rapport à ceux existant n'offre pas cet été assez de places (200 seulement) pour transporter le nombre important d'usagers, du moins pour ce qui concerne la ligne Béjaïa-Alger.Station d'El Kseur. Il est 6h30 du matin en ce samedi, jour de repos hebdomadaire. Déjà trois personnes attendent l'arrivée du train dans cette gare ancienne datant de l'ère coloniale. Assises sur l'un des bancs plantés dans un décor hideux, ces personnes habituées à prendre ce train étaient plutôt calmes. Peu de temps après, un quatrième usager arrive et demande s'il y aura suffisamment de places pour tout le monde, car apparemment seulement deux sont réservées pour cette commune. «Bien sûr», répond calmement une vieille femme, précisant qu'elle emprunte régulièrement cette ligne depuis sa mise en exploitation. Mais cette réponse n'était pas pour rassurer la dizaine de voyageurs rassemblés sur site. Un système de quota pénalisant Nous prenons sur nous de demander au chef de gare s'il est vrai qu'un système de quota est instauré pour cet autorail. Assis derrière son bureau «sinistré», décoré des meubles anciens, notre interlocuteur nous confirme cette information. Du coup, tout le monde s'interroge sur cette situation et se demande s'il pouvait s'assurer une place ou pas à l'intérieur de ce train. Et si le train passait et n'acceptait de ne prendre que deux personnes alors qu'elles sont une dizaine à l'attendre ? À cette idée, le stress des voyageurs augmenterait. Finalement, le train ne tarde pas à faire son entrée, annoncée par ses sifflements. Finalement, tous les passagers embarquent mais ils ne trouvent pas tous une place assise. Le chef de train demande s'il y a des gens qui ont réservé. La réponse est négative. Il explique alors aux plus chanceux, contents de faire le voyage assis jusqu'à Alger, qu'ils devront quitter leur fauteuil aux prochaines gares pour céder la place à ceux qui ont réservé, le système de quota étant appliqué à toutes les communes par lesquelles passe le train. En effet, le plus grand nombre de places, 147, est réservé à la ville de Béjaïa suivie de 2 places pour la commune d'El Kseur, 32 pour celle de Sidi Aïch, 2 pour Akbou, et 4 à 5 places seulement sont réservées à Tazmalt… Il arrive bien sûr que les voyageurs descendent à la gare de Bouira, permettant ainsi aux clients de s'asseoir au bout de 2 heures et demie environ de voyage en position debout.Nombreux d'entre eux n'ont pas hésité, en apprenant que nous sommes journalistes, de nous dire toute leur rage de voyager debout alors que le prix du billet revient cher. Un homme, la cinquantaine, monté de la gare d'El Kseur, nous dit : «Ce n'est pas normal, pourquoi voyager debout alors que je paye ma place à 650 DA (de Bougie à Alger, le tarif est de 710 DA)». Il est vrai que nous évitons la circulation à l'entrée d'Alger qui peut parfois nous retarder jusqu'à environ deux heures mais c'est injuste de réserver deux places seulement pour la population d'El Kseur». Et de s'interroger sur quelle base les quotas ont été distribués. Une jeune femme émigrée, assise à même le sol avec sa cousine et ses deux enfants, n'a pas pu contenir sa colère, elle aussi, et nous lance : «J'ai payé une place comme tout le monde, et je me retrouve assise par terre avec mes gosses, ce n'est pas normal», confie-t-elle sur un ton d'incompréhension, elle qui se dit habituée au confort des transports de la ville de Paris. Un deuxième autorail souhaité par les passagers Si certains essayent de comprendre le pourquoi de cette situation qu'ils jugent inadmissible, d'autres usagers ne cherchent pas pour autant à le savoir. Un jeune médecin monté à Bouira nous dit simplement qu'il préfère voyager debout, avec le plus de la climatisation, que de rester dans le bus plus de 4 heures pour un voyage qui normalement doit se faire en 2 heures seulement. «Cela ne me dérange pas du tout», nous confie-t-il. En effet, le cauchemar des usagers de la route, surtout ceux en provenance des wilayas de l'Est pour rallier la capitale, est grand. Des embouteillages monstres retardent souvent les citoyens qui travaillent à Alger et repartent chez eux pour le week-end ou lors des grandes fêtes de l'Aïd, El Achoura, etc. Qu'importe la situation pour beaucoup de voyageurs puisqu'ils disent que les commodités existent. Café, eau fraîche, thé, biscuits sont vendus sur place. D'autres encore parlent de la nécessité de renforcer la ligne par un autre autorail. Un souhait également émis par le chef de train, Boucheneb Djilali. «Un deuxième autorail fera l'affaire», a-t-il confié. Côté technique, nous nous sommes adressés au conducteur et chef de train qui nous a expliqué que la vitesse de la locomotive est de 160 km/heure mais la voie ferrée en Algérie est conçue pour ne pas dépasser les 120 km à l'heure. Plus encore, il faut la limiter parfois à 60 km à l'heure selon la qualité du tronçon sur lequel roule le train. Le conducteur, mécanicien de son état, M. Kessaci nous explique que «c'est la voie qui limite le matériel». Notre interlocuteur n'a pas manqué de signaler les dangers de la voie ferrée et du manque de civisme de certains citoyens qui n'hésitent pas à la traverser. Le jour même, il y a eu un couple de vieux qui a traversé cette voie avec tous les risques qu'ils peuvent encourir allant jusqu'à y laisser leur vie. Lorsqu'il s'agit de jeunes, ils traversent rapidement mais pour les vieux, ce n'est pas évident, dit M. Kessaci. Ceci étant, il y a aussi un fait à relever, la vétusté de la majorité des gares ferroviaires algériennes. Ces dernières gagneraient à être rénovées. Il ne suffit pas de mettre en marche des trains modernes, mais moderniser toute l'infrastructure qui l'accompagne à commencer par les stations et surtout la voie ferrée. Car faire rouler un train neuf sur des rails usagés peut altérer sa qualité, ne lui permettant pas une longue durée de vie.