Photo : Riad De notre correspondant à Annaba Mohamed Rahmani Historique du réseau ferroviaire et son étendue : «La première ligne de chemin de fer de la région a été mise en service en 1885. Elle reliait Annaba à Bouchegouf, ligne qui existe toujours et encore opérationnelle, nous déclare M. Naït, le premier responsable de la Direction régionale ferroviaire (DRF) de Annaba, le réseau s'étend sur 850 km de voies principales dont 350 sont électrifiées (de Bouchegouf à Tébessa) avec 49 gares dont 5 sont en cours de réalisation.» La DRF de Annaba couvre 7 wilayas : Guelma, Souk Ahras, Tébessa, Skikda, Oum El Bouaghi et El Tarf. C'est une gestion quotidienne qui exige la mobilisation constante des quelque 1 800 agents affectés aux différents postes à travers tout le réseau. «Le seul handicap qui empêche le bon fonctionnement du réseau, poursuit le DRF, est que celui-ci est vétuste et à voie unique. Les trains sont obligés de faire les croisements dans les gares où les voies secondaires existent, ce qui occasionne des retards mais nous nous en sortons quand même et nous faisons de notre mieux avec les moyens dont nous disposons pour respecter les horaires. Ce n'est pas une chose facile puisque, parfois, on est obligés d'intervenir sur des tronçons éloignés avec un matériel approprié qu'il faut transporter.» La ligne minière : poumon de la région Le réseau ferroviaire de Annaba est stratégique, c'est le poumon de l'économie de toute la région puisque c'est l'unique ligne minière dans tout l'Est algérien. Elle s'étend de Annaba à Djebel Onk sur près de 340 km et fait transiter chaque jour sur cette voie unique 9 000 tonnes de minerai de fer, de phosphates, d'engrais, de céréales, de charbon, de produits sidérurgiques et de carburants. Une cadence que ne peut supporter ce réseau qui date de 125 ans : affaissements de la voie, déraillements, pannes dans le système de signalisation dues essentiellement aux vols de câbles, agressions des trains et détournements de marchandises deviennent trop fréquents. Les équipes d'intervention sont sur le qui-vive et procèdent aux réparations pour rétablir au plus vite la circulation. Il y va de l'économie de toute la région. Le complexe sidérurgique d'El Hadjar, l'usine FERTIAL, l'agriculture, les dépôts de carburants et l'approvisionnement en marchandises diverses dépendent entièrement de cette ligne. Ce réseau à lui seul est le principal pourvoyeur en chiffres d'affaires de toute la SNTF. Ce sont pas moins de 50% qui sont réalisés par la région de Annaba. 94% de ce dernier chiffre concernent la ligne minière ; seulement 6% sont réalisés par le train de voyageurs. C'est dire l'importance de cette ligne non seulement pour l'industrie locale ou les différents services qui y sont liés mais aussi pour la SNTF elle-même au vu de ce qu'elle engrange comme recettes. De la rentabilité des trains de voyageurs Les trains de voyageurs, qui ne sont pas tous rentables, sont pourtant maintenus. C'est cette vocation de service public qui fait que des lignes peu fréquentées soient maintenues malgré toutes les difficultés rencontrées et les dépenses occasionnées. Ainsi, le train Annaba–Souk Ahras-Tébessa a été remis en service il y a quelques mois après plus d'une dizaine d'années d'arrêt et la ligne Annaba- Constantine a eu son autorail inauguré en grande pompe par le ministre des Transports en personne à la fin du mois de juillet de l'année dernière. Si plusieurs gares ont été réhabilitées et réaménagées et pour certaines carrément reconstruites- les prix des transports pratiqués par la SNTF sont élevés et dissuadent les usagers qui préfèrent se rabattre sur les bus. En effet, le billet de train au départ de Tébessa à 4h du matin pour rallier Annaba via Souk Ahras sur près de 250 km après 5h30mn de trajet coûte 255 DA alors que le prix d'une place dans l'autocar est de 200 DA. Le taxi, plus rapide, puisqu'il couvre la distance en 3 heures au maximum, coûte 300 DA la place. Le choix est tout de suite fait par le voyageur, entre les retards presque quotidiens et avec les prix pratiqués par le chemin de fer, on prend le bus ou le taxi et on rejoint sa destination bien des heures avant l'arrivée du train. «Il faudrait revoir les prix, nous dit un contrôleur, si l'on veut être compétitif et fidéliser les usagers. Il faudra aussi respecter les horaires pour rassurer le voyageur quant à l'heure d'arrivée à telle ou telle destination.» Il y a quelque temps, cette ligne a été suspendue pour l'exécution des travaux d'entretien et la réhabilitation de l'un des tunnels situé sur ce parcours mais après l'achèvement de cette opération, la ligne n'a toujours pas été rétablie et les inconditionnels des trains attendent de prendre un train qui n'arrive toujours pas. La ligne Annaba-Constantine a subi le même sort quelques mois après sa mise en service suite à un grave accident qui a failli causer une catastrophe. L'autorail flambant neuf et frappé du sigle SNTF avait été violemment heurté par un camion transportant des bonbonnes de gaz à la hauteur d'un passage à niveau à Aïn Cherchar, dans la wilaya de Skikda, causant des dégâts évalués à 20 millions de dinars. Contraint à l'arrêt pour travaux de réparation, l'autorail n'a pas encore été remis en circulation. Le billet de train Annaba-Constantine coûte 255 DA, c'est pratiquement le prix de la place à bord d'un taxi pour la même destination. Les voyageurs préfèrent là aussi ce dernier moyen de transport, ce qui fait que le taux de fréquentation de l'autorail est resté très faible. L'autre desserte toujours en service est celle d'Annaba-Alger en couchettes 1re et 2e classes qui, selon les usagers, est très chère avec, respectivement, 1 560 et 2 060 DA. Le prix de la place dans le bus est de 750 DA, soit moins de la moitié en plus du fait que le voyageur arrive plus tôt et peut régler ses affaires dans la journée pour reprendre le bus en fin d'après-midi et rentrer chez lui. Si la question de la sécurité dans les trains de voyageurs, toutes destinations confondues, ne pose pas problème puisque la plupart des lignes sont escortées par la Gendarmerie nationale, qui effectue des rondes dans toutes les voitures aidée en cela par les unités de sécurité de la SNTF, les trains de marchandises, eux, font souvent l'objet d'attaques et d'agressions de la part de bandits. Attaques à la «western» Ainsi, on dénombre, en 2005, 209 attaques par jets de pierres qui ont fait 39 morts et 62 blessés ; en 2006, 154 qui ont causé la mort de 30 personnes et blessé 39 autres ; et en 2007, 141 qui ont fait 56 blessés. «Ce phénomène est inexplicable, nous confie un conducteur de train. Je ne comprends pas les raisons qui poussent ces gens à lancer des pierres sur le train. Le train transporte des familles, des gens comme vous et moi ; il se peut que ces individus qui lancent des pierres aient des parents à eux dans ce train et ils peuvent les blesser. Franchement, je ne comprends pas : c'est un comportement qui devrait être étudié par nos sociologues pour essayer de trouver une solution.» Ce qui est plus grave encore, ce sont les attaques systématiques des trains de marchandises au niveau de la localité d'El Allelik dans la wilaya de Annaba. Les malfaiteurs coupent les câbles d'alimentation des installations de sécurité. La signalisation ne fonctionnant plus, le train est obligé de s'arrêter et, là, les bandits montent à bord et prennent tout : billettes à destination du complexe sidérurgique, déchets ferreux et autres produits sont chargés sur des véhicules pour être transportés ailleurs avant d'être revendus. «Ce sont des attaques comme dans les films de western, déclare un agent de la SNTF. Le train est bloqué, les voleurs montent à bord armés d'outils de toutes sortes, coupent, dévissent, déchargent et repartent avec leur butin. Cela dure depuis plusieurs mois malgré nos plaintes.» Les dégâts occasionnés Durant l'exercice 2007, la DRF de Annaba a enregistré 200 milliards de cts de pertes rien qu'en câbles d'alimentation des installations électriques sans compter les coûts des retards occasionnés et les travaux de remise en service. La saignée n'a toujours pas cessé. En 2008, pas moins de 168 actes de malveillance sur les installations de sécurité ont été relevés, 20 attaques de train, 24 vols d'organes de matériel remorqué, 29 cas de jets de pierres, 20 bris de glace. 12 personnes ont été blessées et 6 autres sont décédées. Pourtant, un conseil interministériel, tenu le 26 janvier 2008, avait été consacré à la protection du réseau ferroviaire. On avait fait le constat des agressions multiples que subit le réseau, dont les détériorations d'équipements et l'occupation du domaine ferroviaire, avant de prendre les mesures destinées à punir et à éradiquer les atteintes au patrimoine public et donner instruction aux services de sécurité pour mettre fin à ce phénomène. Sur le terrain, la situation n'a toujours pas changé ; bien au contraire, elle empire. Les attaques ont tendance à se multiplier ; les agents de la SNTF ne peuvent à eux seuls venir à bout de ces hordes armées et prêtes à tout. A la DRF, on nous appris que, lors de la saisie de 2 conteneurs par les services de la Gendarmerie nationale dans la région d'El Hadjar, ils ont découvert du matériel appartenant à la SNTF qui faisait partie du lot saisi et il avait été récupéré. Autant dire une goutte d'eau dans un océan puisque, chaque jour, des vols sont signalés, vols qui représentent un danger réel puisqu'ils visent les installations de sécurité vitales pour la circulation des trains.