Ma fille restera ma fille. C'est ce vieil adage algérien que le réalisateur algérien Yahia Debboub a choisi comme titre pour sa dernière production cinématographique projetée en avant-première lundi dernier à la salle Ibn Zeydoun. Produit par le ministère de la Culture et IPM Com, ce film de 90 minutes s'est distingué, dès les premières images, par une flagrante médiocrité et une légèreté du scénario prévisible et inconsistant. Ma fille restera ma fille, dont les faits se passent dans l'Algérie des années 1960, est un assemblage de clichés qui relatent l'histoire d'Ali (Mustapha Laribi) et de sa femme Samia (Manel Touati). Ayant l'avenir devant lui, le couple rêve d'enfants, et comme le veut le cliché, de garçons, bien sûr. Hélas, Samia donnera naissance à trois filles avant d'accoucher de son unique garçon Nassim. Benjamin de la famille et futur homme de la maison, Nassim bénéficie d'une attention particulière de la part de son père au détriment de ses trois sœurs. Ali marie ses filles l'une après l'autre ainsi que son fils. Vingt-cinq ans plus tard, Samia tombe gravement malade, Ali, qui adore son fils, découvre les qualités de ses filles. Ces dernières se plient en quatre pour leurs parents et accompagnent leur père dans la dure épreuve après le décès de Samia, sa compagne de 45 ans. Nassim, le chouchou de la famille, enfant gâté-pourri, est le grand absent. Sa mère meurt sans le voir. Cette attitude a meurtri le cœur de son père. Après la perte de sa femme, Ali se laisse mourir de faim et de tristesse. Ses trois filles s'occupent de lui comme elles peuvent, alors que Nassim est totalement indifférent. Agacée par le comportement et l'ingratitude de son frère, une des filles l'appelle au téléphone pour le réprimander et le prie de ne pas refaire la même erreur qu'avec sa défunte mère. Telle une gifle, ce coup de téléphone réveillera le jeune homme de son coma émotionnel. Nassim décide enfin d'aller voir son père, mais hélas Ali a déménagé chez sa fille qui, vu son état de santé, l'a décidé à venir chez elle. Le film prendra fin avec une image très happy end : Nassim implore et obtient le pardon de son père. Ali retrouve ses esprits et sa santé et part en vacances en compagnie de son fils. En plus de la faiblesse du scénario signé par le réalisateur, le film a été miné par un jeu d'acteurs apprêté et peu convaincant, frisant l'amateurisme. Les phrases toutes faites et les clichés qui revenaient en boucle ont d'ailleurs fini par provoquer l'hilarité de l'assistance.Pis, il semblerait que le réalisateur ait décidé de se passer des services d'un directeur photo et d'un script, par souci d'économie et par méconnaissance de l'importance de ces deux professions. Résultat : le film a collectionné les incohérences comme cette cité AADL, l'électroménager moderne, les antennes paraboliques ou des véhicules des années 1980, alors que le film se déroulait dans les années 1960. On retiendra également la scène d'Ali au marché effectuant ses courses à des prix exorbitants pour cette période (des aubergines à 10 dinars le kg). Loin d'être une œuvre cinématographique, Ma fille restera ma fille est en fait un exemple de ce qu'il ne faut pas faire pour réussir un film ou, au contraire, tout ce qu'il faut faire pour produire un navet, et c'est ce que fit notre réalisateur, avec l'argent du ministère de la Culture, qui est censé travailler pour la promotion et l'encouragement de l'art et non de la médiocrité et de la négation de l'art. D'ailleurs, plusieurs cinéastes et hommes de cinéma qui étaient présents dans la salle n'ont pas caché leur mécontentement, voire leur révolte, de voir le 7ème art algérien tomber si bas. «Ce film ne s'inscrit dans aucune catégorie du cinéma et ne s'élève même pas au stade d'amateurisme», dira un cinéaste, contenant mal sa colère.Projeté sur support DVD, un scandale dira un autre cinéaste, le film a subi plusieurs incidents techniques qui n'ont fait qu'aggraver son cas. Pour une avant-première, il est universellement connu que toute œuvre cinématographique doit être projetée en format 35 millimètres. Le support DVD est réservé au visionnage seulement. «Même les festivals les plus pauvres ne s'autorisent pas des projections de films sur support DVD», dira un critique.Sans aucune imagination et rassemblant une panoplie de fausses notes, le film de Yahia Debboub est un véritable ratage et gaspillage d'argent. D'ailleurs, dès l'entrée de la salle, beaucoup de personnes seront étonnées de ne voir aucune affiche du film. A croire que Ma fille restera ma fille est une production underground. Elle l'est dans le sens littéral. Avec ce film, le cinéma algérien est six pieds sous terre. C'est à se demander ce que sont les critères de sélection pour soutenir un film en Algérie. La médiocrité demeure pour l'instant la seule et unique réponse. Le plus désolant, c'est de voir qu'au moment où des soutiens financiers sont accordés à des films qui n'en sont pas, de jeunes cinéastes bourrés de talent sont ignorés, marginalisés et délaissés. W. S.