En l'existence d'un marché des arts, le produit culturel, comme tout autre produit de consommation, se retrouvera soumis à ses lois dont celle de l'offre et de la demande. Or, les critères de sélection des consommateurs ne prennent pas toujours en considération la valeur intrinsèque de la création artistique. Les goûts, les couleurs, les choix, comme les critiques, sont, certes, subjectifs, mais ils ne se contestent pas, même si on estime, tout aussi subjectivement d'ailleurs, qu'ils privilégient des avatars, des ersatz, de l'art au détriment des chefs-d'œuvre et créations respectant tous les canons et les règles. Mais, comme en économie, la mauvaise monnaie chasse la bonne, en culture, les produits de moindre qualité, artistique s'entend, peuvent éclipser les œuvres de bonne facture. Dès lors, le créateur, l'artiste, n'a d'autre choix que de satisfaire la demande sur le marché, quitte à tordre un peu le cou à sa muse, pour pouvoir survivre et, surtout, offrir à son art une petite chance, même s'il se décline à travers un avatar, ou persévérer dans la création «académique» qui n'intéressera que des cercles restreints d'initiés. Certains succombent aux chants de sirènes de la commercialité, d'autres restent fidèles aux déesses des arts. Les uns comme les autres trouvent toutefois leur compte, même si les derniers sont payés en retour plus par la satisfaction d'avoir créé une œuvre appréciée par les connaisseurs et spécialistes qu'en espèces sonnantes et trébuchantes.Mais là, on parle dans le cas de l'existence d'un marché des arts alimenté en productions, organisé et régulé par des lois, si subjectives soient-elles. Dans le cas contraire, comme en Algérie, la donne est la même, sauf qu'elle est accentuée par une totale confusion des critères d'appréciation et un embrouillement des échelles de valeur. L'absence de critiques, ou plutôt de cadre réel d'exercice qui leur permettrait de coter les œuvres et produits artistiques, a ouvert la voie à tout et tous. N'importe qui peut se dire artiste sans risquer de se voir contredire. On voit des cinéastes, qui n'ont rien à voir avec le cinéma, produire des films qui n'en sont pas et avoir pourtant de l'argent pour ça, des chanteurs qui détonnent mais dont les albums se vendent comme des petits pains, des peintres qui travaillent à la commande et monnayent leurs barbouillages à des prix qu'un authentique artiste n'oserait même pas imaginer, des scribouillards nous pendre des best-sellers… C'est le règne de la médiocrité. Cette situation n'est évidemment pas faite pour plaire ni servir les créateurs respectueux de leur art et du public. Aussi se doivent-ils de réagir en faisant œuvre de pédagogie. Il s'agit de former le public. Pour ce faire, il faut aller au-devant de ce public, en lui servant, dans un premier temps, ce qu'il est disposé à écouter, lire ou voir, donc des œuvres «digestes». Et l'été, période de vacances par excellence, se prête à merveille pour ce genre de production. Les artistes confirmés devraient faire l'effort de produire des livres, des musiques, des films, des spectacles… d'été qui, tout en étant légers et digestes, ne seraient pas moins respectueux de l'art. Evidemment, l'action des artistes devra être portée par d'autres acteurs. Distributeurs, promoteurs, marchands et pouvoirs publics devront jouer le jeu, car il y va du développement intellectuel de toute la société, laquelle, si elle n'est pas prise en charge par l'Etat, sera soumise à tous les courants d'idées et mouvements artistiques, intellectuels, idéologiques, philosophiques et/ou religieux qui courent le monde en se jouant des frontières politiques ou langagières… N'est-ce pas ce que nous vivons déjà ? Il est plus que temps de réagir. H. G.