Le principe de la libre concurrence reste le moyen exemplaire pour satisfaire l'offre et la demande afin de mieux protéger les intérêts des consommateurs et de l'économie . Mais, étant donné que la concurrence ne peut jamais être parfaite, et vu la complexité de la situation économique, les consommateurs ne peuvent jouer leur rôle d'arbitres, en dissuadant les entrepreneurs malhonnêtes et en boycottant leurs services. Alors, nous nous retrouvons devant l'intervention des règles de droit qui visent à prévenir la concurrence déloyale et celles qui visent à prévenir les différentes atteintes à la publicité. D'ailleurs, l'article 28 de la loi n°04-02 du 25 juin 2004 fixant les règles applicables aux pratiques commerciales stipule qu'« elle est considérée comme publicité illicite et interdit toute publicité trompeuse, notamment celles : 1- qui comportent des affirmations, indications ou représentations susceptibles d'induire en erreur sur l'identité, la qualité, la disponibilité ou les caractéristiques d'un produit ou d'un service ; 2- qui comporte des éléments susceptibles de créer la confusion avec un autre vendeur, ses produits, ses services ou son activité ; 3- qui porte sur une offre déterminée de produits ou de services, alors que l'agent économique ne dispose pas de stocks suffisants de produits ou ne peut assurer les services qui doivent normalement être prévus par référence à l'ampleur de la publicité ». Selon l'article, une forme classique de dénigrement est celle qui consiste dans la comparaison qu'un concurrent établit entre ses produits ou son entreprise et ceux de ses concurrents. C'est ce qu'on appelle « la publicité comparative ». Cette pratique suppose une conciliation malaisée de deux impératifs : préserver la loyauté dans la concurrence et assurer l'effectivité de cette concurrence par l'information des consommateurs. Depuis longtemps, la jurisprudence décide que la publicité comparative est interdite parce qu'elle est constitutive de dénigrement selon le slogan « comparer c'est dénigrer ». D'après l'analyse de1994 de l'OMPI (Organisation mondiale de la propriété intellectuelle) sur la protection contre la concurrence déloyale bien que l'on fasse valoir que les comparaisons si elles sont exactes peuvent être utiles au consommateur la doctrine et la jurisprudence ne les admettent en pratique que dans certaines circonstances très spéciales, par exemple si elles répondent à une attaque illicite dirigée contre l'annonceur, ou si elles sont nécessaires pour expliquer le fonctionnement d'un système ou, plus généralement, de nouvelles techniques. Cependant, depuis quelques années, la publicité comparative est perçue de façon moins négative : on reconnaît de plus en plus les comparaisons véridiques de faits pertinents qui peuvent non seulement réduire le coût pour les consommateurs de la recherche d'informations, mais aussi influer positivement sur l'économie en améliorant la transparence du marché. Certains se prononcent en faveur de l'admission de la publicité comparative. Leur opinion repose essentiellement sur les nécessités de l'information des consommateurs. Mais cette forme de publicité a aussi ses adversaires. Ils invoquent plusieurs arguments : c'est ainsi qu'ils affirment que la comparaison ne peut jamais être parfaitement objective. Un annonceur sera toujours conduit à mettre l'accent sur des caractéristiques parfois secondaires parce qu'elles lui confèrent une supériorité. Ils mettent ainsi en doute l'efficacité du procédé, car, ou bien il s'appuie sur des considérations techniques et détaillées et il risque de créer une confusion dans l'esprit du public, ou bien il s'enferme dans des considérations sommaires et superficielles et dans ce cas il peut devenir trompeur(1). Selon un principe de base du droit de la concurrence, il est interdit d'utiliser les noms commerciaux, les marques ou autres signes distinctifs des concurrents lors de la commercialisation d'un produit. Un principe bien fondé car l'utilisation des signes commerciaux des concurrents est souvent abusive. Il est de règle que les commerçants commercialisent leurs produits selon leurs conditions et qu'ils ne doivent pas se prononcer sur les produits des concurrents. Or, depuis le milieu du XIXe siècle, ce principe a été modifié en ce qui concerne la publicité comparative. Prenant leur point de départ aux Etats-Unis, les publicités comparatives, anonymes au début mais désignant des noms plus tard, se sont répandues dans la plupart des pays, même si elles se sont heurtées à une forte opposition(2). Alors qu'aux Etats-Unis la publicité comparative est une forme de publicité acceptable, la majorité des pays européens ont longtemps rejeté cette forme de publicité qui était considérée comme une pratique commerciale déloyale. C'est seulement suite à la directive 97/55/EC du 6 octobre 1997 adoptée par le Parlement européen et le Conseil que la publicité comparative a été introduite dans l'ordre juridique national de chaque Etat membre en termes de principe, bien qu'elle soit régie par des conditions très strictes dont les circonstances dans lesquelles ce type de publicité est autorisé. A cette fin, la directive 97/55/EC a amendé la directive 84/450/EEC sur la publicité mensongère de sorte à y inclure la publicité comparative sur la base de la considération que l'acceptation ou le rejet de la publicité comparative dans les diverses lois nationales peut représenter un obstacle au libre mouvement des marchandises et des services et peut donner lieu à des distorsions vis-à-vis de la concurrence. Par conséquent, la liberté de recourir à la publicité comparative doit être assurée. Il existe plusieurs manières d'identifier dans une publicité comparative un concurrent ou son produit, même si le nom n'est pas mentionné. Une telle référence peut être réalisée directement ou indirectement par implication ou insinuation. Les rapports nationaux rendus en 2004 à la LIDC (Ligue internationale du droit de la concurrence) indiquent que toute référence à un concurrent ou à son produit, implicite ou explicite, est considérée comme publicité comparative. Il n'est pas nécessaire d'en mentionner le nom pour être en présence de publicité comparative. Toutefois, si le concurrent est concerné par ces éléments, la référence doit être clairement identifiable et doit mettre en évidence d'une manière ou d'une autre le lien existant entre les marchandises ou les services de l'annonceur et ceux d'au moins un concurrent. Tous les rapporteurs s'accordent à dire que la fausseté d'une information est fonction de la compréhension de celle-ci par le public. En règle générale, le public concerné dans ce cas est en fait la communauté entière. Dans certains cas spécifiques, lorsque la publicité s'adresse à des cercles restreints (comme les médecins), la compréhension de la publicité par eux s'avérera un élément décisif. Le consommateur ou le public moyen et leur compréhension première, sans examen plus approfondi, sont des éléments décisifs. La norme est représentée par un consommateur moyen raisonnablement informé. Le rapporteur britannique cite quelques cas intéressants. Lors de l'évaluation visant à déterminer si une publicité est trompeuse ou non, les tribunaux affirment que le public est habitué aux exagérations des annonceurs et que les informations peuvent être soumises à certaines conditions et aux petits caractères. Il faut donc évaluer si une personne raisonnable tendra à croire à la véracité des faits énoncés. Les tribunaux ont jugé des situations où la publicité n'était pas trompeuse, notamment lorsque le tribunal juge que les consommateurs sont au courant ou s'attendent à des données supplémentaires et des conditions non mentionnées dans la publicité. Par exemple : dans une comparaison des prix des vols lorsque les vols du demandeur étaient à destination de la ville alors que les aéroports du défendeur se trouvent à plusieurs kilomètres de celle-ci. De plus, certaines conditions étaient d'application pour les vols du défendeur. Dans ce contexte, le fait par un commerçant de donner à sa publicité, pour la promotion de ses produits (des lave-vaisselle), une connotation évocatrice de celle appartenant à un tiers et accompagnant le lancement d'un parfum s'analyse en une opération parasitaire. Les pièces mises au débat devant la justice font apparaître que la société de parfums a accompagné le lancement de son parfum d'une image qui, pour l'exploitation qui en a été faite depuis lors dans la publicité, est devenue l'emblème de ce parfum et s'est identifiée à celui-ci ; cette image représentant une femme vue en buste avec des couleurs spécifiques. Alors qu'une campagne pour lave-vaisselle représentant une femme tenant entre ses mains un lave-vaisselle réduit aux dimensions d'un flacon, image qui reprend tant la position particulière des mains de la femme de la publicité précédente, ce qui engage la responsabilité de l'annonceur et de son agence de publicité, la ressemblance entre les deux publicités étant patente(3). Toujours sur le plan jurisprudentiel, en disant qu'un médicament est le générique d'un autre, la comparaison des deux produits est faite sur des éléments essentiels et objectifs, elle est donc licite . Aussi, la reproduction des seuls tickets de caisse ne permet pas au consommateur de s'assurer que les produits comparés comportaient les mêmes caractéristiques essentielles . Ces deux affaires viennent préciser les conditions de licéité de la publicité comparative. Selon la loi, les éléments de comparaison doivent être objectifs et porter sur des caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives des produits. Pour la chambre commerciale de la cour de cassation, le seul fait de dire qu'un médicament est le générique de l'autre implique une comparaison objective sur des éléments essentiels. Il n'est pas nécessaire d'aller au-delà et de développer le détail de la composition du médicament. Pour la chambre criminelle, la pratique du caddy comparatif ne peut être licite que si elle permet une comparaison objective des produits et des prix. Or, en l'espèce, si les tickets de caisse permettaient une comparaison de prix, celle-ci n'était pas objective car les produits insérés dans le caddie ne présentaient pas les mêmes caractéristiques de poids ou de qualité et de plus, le consommateur n'avait pas accès à ces produits puisque le caddie était recouvert d'un film plastifié(4). Toute publicité s'appuyant sur des déclarations fausses ou fallacieuses concernant le produit de l'annonceur ou celui du concurrent est interdite dans tous les pays. Toutefois, il ne faut pas oublier qu'il existe des différences dans la manière de concevoir ce qui est « fallacieux » et surtout ce qui constitue un dénigrement. Certains pays considèrent comme trompeuse et mensongère toute publicité qui vante la supériorité ou les qualités uniques d'un produit (comme l'expression « le meilleur ») si sa véracité ne peut être prouvée, d'autres n'y voient rien d'autre qu'une exagération anodine. L'autre forme que peut revêtir l'atteinte à la publicité, selon l'article 28 de la loi 04-02, c'est « la publicité mensongère ». Or, en droit algérien comme en droit français, l'atteinte à la publicité est un délit « erga omnes », c'est-à-dire répréhensible par sa seule existence, même si la personne qui s'en plaint n'en a pas objectivement été victime, dès lors qu'elle est de nature à induire en erreur sur les qualités substantielles du produit ou du service. Cependant, lorsque la publicité mensongère a induit l'utilisateur à conclure un contrat, elle peut alors être assimilée à un « dol ». Mais, alors que le dol ne peut être invoqué que par la partie lésée afin d'obtenir l'annulation, les textes sur la publicité mensongère sont des textes de nature pénale qui peuvent être soulevés par tout utilisateur, même potentiel, ainsi que par des associations de défense des consommateurs, et ce en l'absence d'un contrat, selon l'article 65 de la loi 04-02 qui stipule que les associations de protection du consommateur et les associations professionnelles légalement constituées ainsi que toute personne physique ou morale ayant intérêt, peuvent ester en justice tout agent économique qui a enfreint les dispositions de la présente loi. Dans le domaine de l'informatique, vu la technicité des produits concernés, l'attitude des tribunaux a tendance à être plus rigoureuse : ainsi, selon une jurisprudence classique, des renseignements qui ne sont pas techniquement inexacts mais seulement trop flatteurs, qui peuvent en conséquence donner à l'utilisateur une conception trop simpliste ou trop optimiste d'un système informatique sont de nature à engager la responsabilité du revendeur(5). Quant à la reprise de l'idée publicitaire, fût-elle originale, elle ne peut faire l'objet d'une publicité trompeuse, l'idée qui préside à la création de l'esprit appartenant à tous. La reprise d'éléments nécessaires à la présentation d'une idée non protégeable ne saurait être incriminée ; en l'espèce, si des ressemblances existent dans la présentation d'ensemble, celles-ci apparaissent dictées par l'adoption du même procédé promotionnel et par la nécessité d'employer des éléments et formules nécessaires à sa description ; ainsi, un annonceur ne saurait reprocher à son agence de promotion d'avoir réalisé une action promotionnelle reprenant l'idée de celle précédemment réalisée par l'un de ses concurrents, l'idée n'étant pas en l'espèce appropriable et alors, d'autre part, que la réalisation qui en a été faite n'est pas la reproduction servile de l'antériorité ; au surplus, l'annonceur ne peut sérieusement prétendre avoir ignoré l'opération publicitaire réalisée par l'un de ses principaux concurrents moins de deux ans auparavant, une telle connaissance lui interdisant, en tout état de cause, d'invoquer une faute à l'encontre de son agence dans la reprise de l'opération promotionnelle critiquée.(6) Pour déterminer si une publicité est de caractère trompeur, il faut prendre en considération le marché destinataire de la publicité. S'il s'agit d'un marché particulier, par exemple le marché médical en cas de publicité pour des médicaments délivrés seulement sur ordonnance, le caractère de la publicité doit être déterminé selon les normes professionnelles des médecins. En ce qui concerne la vente des biens ordinaires, ce principe ne pose normalement pas de problèmes. Quant aux publicités destinées principalement aux enfants, il faut faire preuve de grande diligence. La chambre de Commerce internationale insiste sur ce fait étant donné que le « Code international de pratiques loyales en matière de publicité » contient des directives spéciales relatives aux publicités destinées aux enfants. En outre, un jeu de règles particulières vise à protéger les enfants contre la publicité trompeuse. En pratique, et même selon l'article 28, on peut être confronté à une autre atteinte, c'est celle du commerçant qui entend profiter de la notoriété qui s'attache à un produit pour drainer vers lui une clientèle qui, attirée par la marque de ce produit, se rendra dans ses magasins et achètera, par la même occasion, des produits d'une autre marque. C'est ce que l'on appelle la pratique du « prix d'appel » ou encore « la marque d'appel ». Cette pratique consiste pour un revendeur à proposer à un prix avantageux un produit déterminé, généralement un produit dont la marque est connue, pour attirer la clientèle dans le point de vente. Mais très souvent les produits faisant l'objet de cette pratique ne sont pas en stock chez le revendeur en quantités suffisantes pour répondre à la demande ; le commerçant dirige alors le client vers d'autres produits. Les atteintes à la publicité sont punissables par la loi 04-02 ; ainsi, elles sont qualifiées de pratiques commerciales déloyales et punies d'une amende de cinquante mille dinars (50 000 DA) à cinq millions de dinars (5 000 000 DA). Aussi, les marchandises, les matériels et équipements ayant servi à commettre les infractions peuvent être saisis sous réserve des droits des tiers de bonne foi. Les biens saisis doivent faire l'objet d'un procès-verbal d'inventaire selon les procédures définies par voie réglementaire . S'agissant de la saisie, elle peut être réelle ou fictive. Il est entendu : par saisie réelle toute saisie matérielle de biens ; par saisie fictive toute saisie portant sur des biens que le contrevenant n'est pas en mesure de présenter pour quelque raison que ce soit. Outre les sanctions pécuniaires, le juge peut prononcer la confiscation des marchandises saisies. Si la confiscation porte sur des biens ayant fait l'objet d'une saisie, ils sont remis à l'administration des Domaines qui procède à leur mise en vente dans les conditions prévues par la législation et la réglementation en vigueur. En cas de saisie fictive, la confiscation porte sur tout ou partie de la valeur des biens saisis. Lorsque le juge prononce la confiscation, le montant de la vente des biens saisis est acquis au Trésor public. Enfin, pour apprécier l'existence même du délit, les tribunaux font référence au lecteur ou au consommateur, « moyen normalement attentif et intelligent ». En effet, « le droit n'est pas fait pour protéger les imbéciles ». Bibliographie : 1) Jean –Jacques Burst, Concurrence déloyale et parasitisme, Dalloz, 1993, p 67. 2) Gazette du palais, 23-27 mai 1999, p 14. 3) C. Paris (4e ch .B) 29 septembre 1995 : Société Guerlain C. Société Robert Bosch, Electro Ménager et Société S.A. Agence Z. 4) Cass.com., 26 mars 2008, Sandoz c/ Laboratoire Glaxosmithkline. Cass.crim., 4 mars 2008, Christian C. et a. Observations : G.R. contrats-concurrence-consommation, juin 2008, p 48. 5) André Bertrand, Droit français de la concurrence déloyale, CEDAT, 1998, p 108 . 6) C. Versailles (12e ch.1re sect) 24 novembre 1994 : Tabasco c. société Lindt et Sprungli L'auteure est universitaire