Le village d'Aghribs, dans la commune qui porte le même nom, est sorti ces jours-ci de l'anonymat à la suite d'événements dont la gravité ne peut faire l'objet d'aucune hésitation. La construction d'une nouvelle mosquée a entraîné la colère de villageois inquiets de l'usage qui s'en profilait. Estimant que celle qui existe déjà suffit à la dimension de leur patelin et à la fonctionnalité originelle d'un lieu de culte, les habitants d'Aghribs craignent que des pratiquants, qu'ils classent dans le registre des salafistes, ne fassent de celui-ci un réceptacle pour des prêches qui échappent au contrôle de l'Etat et qui agissent dangereusement sur la population. Ce cas de figure est loin de se limiter au village d'Aghribs, mais est signalé dans plusieurs localités de la Kabylie : des fidèles plus «convaincus» que d'autres tentent de s'arracher à la présence de l'Etat et décident de ne pas reconnaître et accepter la parole prêchée par ses représentants dans les mosquées. Animés par des desseins qu'ils prennent le soin de ne pas afficher ouvertement, ces derniers tentent insidieusement d'étendre leur discours et de propager leurs croyances, mettant à leur profit la vulnérabilité d'une jeunesse souvent en mal de repères et rongée par l'oisiveté. La liberté de culte étant un droit fondamental irréversible, l'interdiction de la construction d'une mosquée sans raison valable aurait été perçue comme une violation évidente de ce droit n'était-ce la crainte qui anime les villageois d'Aghribs quant à la mainmise du courant salafiste. Eux qui, à l'instar des autres habitants de Kabylie, se sont accoutumés à un islam sobre et tolérant, hérité de génération en génération. Face à pareille situation, l'Etat est plus que jamais interpellé pour faire valoir son autorité et appliquer la loi. Car d'aucuns, parmi les habitants des villages concernés par ce type de conflit, n'écartent pas l'hypothèse d'une désinvolture de l'Etat à l'égard des auteurs de ces agissements dans le but de contrecarrer la vague d'évangélisation qui cible de manière particulière les différentes contrées de Kabylie. La douloureuse et sanglante page de la décennie précédente, que les Algériens tentent de tourner définitivement, devrait être suffisamment dissuasive et dicter précaution, discernement, voire austérité contre toutes les formes d'intolérance et d'extrémisme. Ce tragique épisode de l'Algérie moderne nous ayant surtout renseignés que la religion devrait être soigneusement préservée et placée au-dessus de toute surenchère ou manipulation. Car si le pays a pu se soustraire à la spirale de la terreur, le danger de la pensée intégriste n'a jamais cessé de ramper et rien n'indique que les vieux démons puissent brutalement ressurgir un jour. M. C.