Pour les représentants du village, les salafistes, qui veulent mettre pied au village de Saïd Sadi, sont dans une logique de provocation. Situation tendue, hier, à Aghribs, dans la wilaya de Tizi Ouzou, au lendemain d'affrontements entre les villageois et un groupuscule d'activistes salafistes. Sur place, la colère est loin de s'estomper. Des membres du comité de village racontent la soirée houleuse, mais se montrent déterminés à ne pas céder devant le chantage des salafistes. Le 10 août, 17h passées, les citoyens du village venaient de tenir une assemblée générale devant la mosquée Sidi-Djaffar, inaugurée jeudi dernier, après sa restauration, dans une ambiance de réhabilitation et de réappropriation de l'islam ancestral. Plus d'un millier de personnes étaient donc en conclave, tandis que les salafistes, une quinzaine, étaient sur le chantier qui devait accueillir la nouvelle mosquée, la leur. Le bilan présenté par le comité étant approuvé par l'assemblée du village qui a renouvelé, à l'occasion, sa confiance aux membres du comité, les villageois ont décidé, spontanément, à l'issue de l'AG, d'empêcher le groupe de salafistes de continuer les travaux du chantier. Le groupuscule refuse en effet de se plier à la décision de l'écrasante majorité des villageois, et ce, malgré les mises en demeure du comité et des autorités locales. La situation n'a pas tardé à dégénérer et l'irréparable a failli arriver. Les islamistes ont commencé à jeter des barres de fer pointues, aiguisées comme des flèches, en direction de la foule en colère. Celle-ci riposte avec des pierres : c'est l'affrontement. Des blessés sont enregistrés de part et d'autre. “C'est la preuve qu'ils ont préparé leur coup ; autrement, pourquoi venir au chantier avec de telles armes blanches”, explique A. A., membre du comité. “J'ai été touché par une barre de fer à la poitrine”, s'est plaint notre interlocuteur, laissant voir une blessure béante. Pendant l'affrontement, des femmes déclament des poèmes et autres chants, entrecoupés de youyous stridents, à la gloire de Sidi-Djaffar, l'ancêtre du village. Les jeunes ont mis le feu à la ferraille, avant de casser la brique entassée à côté. Les sacs de ciment sont éventrés. D'autres jeunes ont pris de force un engin de la mairie pour démolir les piliers déjà érigés. Même les vieux se sont impliqués dans cet affrontement provoqué par les partisans de la fitna. “Nous avons entendu, aussi, des coups de feu venus de leur côté, suite à l'intensité des affrontements”, révèle le député Arezki Aïder. La leçon d'Aghribs Hier, premier jour du Ramadhan, les villageois ne parlaient encore que de ce qui s'est passé la veille. Sous le préau de la mosquée Sidi-Djaffar, les citoyens du village, qui ont pris part à l'affrontement de la veille, arrivent par grappe. Chacun raconte sa version des faits avec parfois le souci du détail. “Si les salafistes s'acharnent de la sorte, c'est pour donner des gages à leurs mentors qui les financent”, dit l'un des présents. Un autre, R. A., abonde dans le même sens : “On ne peut pas accepter des financements occultes pour construire une nouvelle mosquée, alors que nous venons de restaurer l'ancienne.” Il affirme que le village n'a pas voulu entrer en conflit avec ce groupuscule accusé de pratiquer “le terrorisme moral”. Sur place, nous avons appris que le président du comité de village était parti déposer une plainte, suite à ce qui s'est passé mardi soir. Pour les représentants du village, les salafistes qui veulent mettre pied au village de Saïd Sadi sont dans une logique de provocation, c'est pourquoi ils se dressent de la sorte contre l'assemblée du village qu'ils défient ouvertement. “Le comité, avec l'aval du village, va récupérer le terrain qui était un marché à bestiaux, pour en faire une place publique où pourraient jouer les enfants du village”, projette A. S., autre membre du comité. L'affaire est pendante devant les tribunaux, car, pour le comité, il y a eu faux et usage de faux au sujet du certificat de possession délivré, presque, en catimini, puisque le village n'a pas été mis au courant. Un volontariat sera organisé durant ce mois de Ramadhan pour nettoyer le terrain pour des anémogamies. Un jeune montre sa blessure qui a nécessité des points de suture. “Ils sont revenus vers minuit, les feux de leurs véhicules éteints, mais nous les avons chassés”, affirme le jeune blessé. Nous avons voulu prendre attache avec l'autre partie du conflit, mais ses membres n'étaient pas au village, nous dit-on. Ayant compris l'enjeu du conflit qui dure depuis une année, un enjeu qui dépasse le cadre du village d'Aghribs, les citoyens se disent déterminés à chasser le salafisme de cette terre qui a résisté au terrorisme islamiste. Belle leçon de courage au village où le serment “Jemaâ Liman” triomphe toujours.