Finalement, la soldate israélienne ne voit pas le mal commis à mettre en ligne ses photos avec des prisonniers palestiniens ligotés et les yeux bandés. A bien y réfléchir moi non plus je ne vois pas le mal à exhiber l'image d'une réalité cruelle mais d'une réalité quand même. Vous aurez noté qu'on lui reproche d'avoir montré des photos de prisonniers ligotés, pas d'avoir ligoté les prisonniers. Cela aurait été, logiquement et concrètement, impossible qu'elle ligote à elle seule les prisonniers. Il fallait bien qu'une escouade de soldats se mobilise pour maintenir l'adversaire au sol et lui passer les liens ; ce qui pourrait amener les quidams que nous sommes à croire que ligoter et bander des yeux constitueraient une pratique ordinaire de l'«armée, la plus morale du monde». Mais du coup, l'image de «l'armée la plus morale du monde» aurait pris un sale coup. Car au fond qui bande les yeux des prisonniers ? Les bandes criminelles ; celles qui veulent cacher leurs itinéraires et leurs geôles clandestines ou celles, tout à fait officielles, qui veulent terroriser leurs prisonniers. Il n'existe aucune utilité pour une armée officielle de bander les yeux de ses prisonniers sauf à vouloir les mettre dans des conditions de torture morale et de leur signifier que l'ignorance de leur trajet et de leur lieu de détention leur promet les pires des sorts et au minimum le pire des sévices. Les combattants algériens pour l'indépendance en savent quelque chose. Les combattants des autres peuples qui ont lutté contre les dominations coloniales en savent aussi quelque chose. Le bandeau sur les yeux porte les charges les plus cruelles de la répression. Une armée officielle tenue par ses propres règlements, au-delà de toute «fanfaronnade morale», et tenue par les conventions internationales sur les lois de la guerre et celles de l'occupation, n'a pas besoin de cacher ses actes, ses circuits et ses prisons. Le bandeau reste au minimum la marque de l'opacité, le contraire de la transparence, la preuve par l'aveuglement d'un destin aléatoire. Comme pour l'attaque de la flottille de la Liberté, les médias dominants comme les commentateurs israéliens ont tout concentré sur la question de l'image. L'opinion publique a-t-elle déjà complètement oublié le meurtre de neuf humanitaires ? Peut-être pas ; mais dans la mémoire ce qui est resté dans la tête de la plupart des gens est une image : Israël victime de son blocus, Israël piégé par des humanitaires récalcitrants. Encore et toujours Israël en victime. Que dit de cette question un officier israélien, le capitaine Barak Raz, un porte-parole militaire ? Ces photos constituent une «grave violation» du «code éthique» de Tsahal. Les photos constituent une grave violation du code éthique de Tsahal. Les photos ? Et la réalité, qu'est-ce que c'est ? Et la réalité des tee-shirts portés par les soldats israéliens qui vantent et appellent au meurtre des Palestiniens ? Ce capitaine a oublié le slogan «1 shot 2 kills». 1 tir, 2 morts pour pousser au meurtre des Palestiniennes enceintes ? Ou glorifier le meurtre d'enfants palestiniens ? (http://www. babelmed.net/Pais/Isra%C3%ABl/des_soldats.php?c=4146&m=44&l=fr) ou (http://www.planetenonviolence.org/La-Banalisation-Du-Mal-Sioniste-Imprimee-Sur-Des-T-Shirts_a1853.html) ou encore(http://www.paperblog.fr/1738351/soutenir-tsahal-en-portant-des-t-shirts-avec-des-bebes-palestiniens-morts/) Les soldats israéliens n'entravent pas seulement les prisonniers palestiniens ou leur bandent les yeux. Ils les torturent. Et, comme en Algérie, la recherche du renseignement justifie aussi la torture de civils détenteurs d'une information. Des civils même enfants et même torturés à mort. (http://www.alterinfo.net/Un-enfant-de-10-ans-torture-par-les-soldats-israeliens_a21559.html).Et d'ailleurs pourquoi parler de Tsahal ? Une armée se dit armée en langue française, pas Tsahal. Adopter ce terme à la suite des médias et des responsables israéliens ne revient pas seulement à adopter leur langage. Imaginez-vous un instant la presse française parler d'ALN pendant notre guerre de libération ? On trouvait le mot FLN vers la fin de la guerre, mais reprendre le mot «armée» de libération conférait de la légitimité à nos combattants. Ils restèrent des rebelles, des «terroristes» pour la guérilla urbaine, des fellagas mais pas des soldats. Parler hébreu en l'occurrence consiste à ne pas nommer la réalité d'une armée et d'une armée d'occupation. Parler de Tsahal, c'est reprendre la terminologie sioniste avec l'ambivalence d'un mot étranger dont le sens nous est inconnu. Dans ces cas, le nom ne renvoie plus à un objet puisqu'il est imprécis par notre ignorance de la langue mais il remplit un objectif : celui de devenir un slogan. Une sonorité ronflante ; la sonorité ronflante d'une glorieuse activité ou d'un glorieux sigle. Comme si on disait le Bayern, ou Manchester ou le Barça. La sonorité se relie alors à la puissance au mythe, à la réalisation positive. On peut juste espérer que la journaliste de la radio algérienne qui parle «naturellement» de Tsahal au lieu d'armée d'occupation en prenne conscience. Elle ou ses responsables.Quand la soldate se défend et ne voit pas où est le mal de publier des photos souvenirs, elle a parfaitement raison. S'il faut cacher les photos, c'est qu'il ne fallait pas faire du tout ce qui lui a été commandé de faire. Lisez cet extrait d'une dépêche : «Mardi, l'ex-soldate a adopté un ton défensif dans deux entretiens radiophoniques, affirmant qu'elle n'avait rien fait de mal et que de telles choses se produisaient “tous les jours” au sein de l'armée.» Tous les jours, et donc ce n'est pas le pire de ce qui peut se passer car certains jours, c'est particulièrement odieux. Comme laisser attendre des heures des femmes enceintes à des barrages et même laisser mourir des vieillards comme ce Franco-Palestinien pour la mort duquel l'Etat français, ami d'Israël, n'a pas fait de bruit du tout. (http://www.europalestine.com/spip.php?article4923). Mais pourquoi accabler une soldate quand les rabbins de l'armée israélienne poussent au massacre et au meurtre des Goyims. Mais que sont les Palestiniens pour ces rabbins ou pour les chefs sionistes en général ? Des insectes, des cafards, des sauterelles qu'il faut écraser, et Bernard Henri Levy, qui s'est fendu d'une récente et longue analyse sur la «bestarisation» du langage politique, devrait balayer devant les portes de son «armée la plus éthique du monde» et de ses chefs si prolixes en langage zoologique. Quel crime aurait-elle commis puisque les rabbins ont bien parlé de guerre de religion et de la nécessité d'exterminer les Palestiniens ? (http://www.futurquantique.org/?p=655) ou encore (http://www.forum-algerie.com/discussion-generale/8543-pour-les-rabins-celui-qui-tue-un-musulman-va-au-paradis.html). Ces rabbins militaires lui ont promis le paradis en récompense de la mort d'un musulman. Alors franchement où est le mal pour elle d'avoir exécuté les ordres de sa hiérarchie et d'avoir monté la garde de prisonniers qu'elle n'a certainement pas entravés toute seule ? Oui franchement où est le mal ? Jusqu'à aujourd'hui les nostalgiques se demandent quel mal ils ont fait en Algérie. Leurs discours de base serinent que nous étions si bien ensemble ! Ils ne voient vraiment pas où est le mal du Code de l'indigénat. Mieux, nous pouvons encore méditer l'«Algérie fraternelle» fantasmée par J.-P. Llédo et d'autres encore. Le Code de l'indigénat laissait place à la fraternité, la domination et le racisme pouvaient laisser place à la fraternité ? La soldate israélienne n'exprime rien d'autre que ce racisme si profond qu'il «entrave» la conscience que la condition faite à l'autre n'est pas humaine. Cette photo avec des soldats israéliens entravés et aveuglés par un bandeau aurait provoqué chez elle des sentiments de colère et d'indignation. C'est au minimum contraire aux conventions internationales sur les prisonniers de guerre. Mais ces Palestiniens sont des prisonniers de guerre. Des prisonniers politiques. On ne sait. Présumés terroristes ou présumés menace pour Israël ? Qui aujourd'hui dans cette bouillabaisse exige une enquête pour savoir qui sont ces prisonniers, les motifs de leur enlèvement – avec un bandeau il ne peut s'agir d'une arrestation en bonne et due forme ou alors le bandeau visait à terroriser et amoindrir les prisonniers. Que sont-ils devenus ?Le fait est dissous, les Palestiniens disparaissent dans cette affaire. Il ne reste plus que les tourments des Israéliens victimes de leur innocence. Mais oui, il fallait y penser de leur innocence ! Voici ce qu'en dit un expert : «S'exprimant sur la radio militaire israélienne, Eden Aberjil a qualifié d'”irréfléchie” et d'”innocente” sa décision de mettre en ligne les clichés pris en 2008 près de la bande de Ghaza.» Que s'est-il passé en 2008 près de la bande de Ghaza ? D'après Eden Aberjil, la décision de la soldate de mettre en ligne ses photos est irréfléchie et innocente au sens où on dit que tel acte d'un enfant est innocent, c'est-à-dire dénué de mauvaises intentions. Vous pouvez imaginer le dialogue virtuel ou éventuel entre cette soldate et cet expert : «Mais jeune fille, on a trop d'ennemis pour leur donner une occasion gratuite de nous critiquer. Si tu avais réfléchi, tu n'aurais pas mis tes photos sur Internet.» Et tout Israël est victime de l'innocence de sa soldate. Comment aurait dit Voltaire ? Il aurait dit candeur au lieu d'innocente. Israël est si candide face aux loups palestiniens et aux humanitaires turcs. C'est sa candeur qui tuera Israël ! M. B.