Le peu de cas qu'Israël fait de ses engagements apparaît à travers la «farce» des libérations annoncées de détenus palestiniens. Yasser Arafat n'a pas manqué de relever le caractère mystificateur des libérations, -annoncées pour aujourd'hui-, de prisonniers palestiniens, lorsqu'il affirma lundi que ce n'était là qu'une simple «farce», s'interrogeant par ailleurs «Est-ce là, la mise en application de la feuille de route?». En effet, non seulement le nombre des «libérés» est ridicule, moins de 5% des prisonniers palestiniens - estimés à quelques 6000 personnes détenues dans les geôles israéliennes - mais également le fait que les libérables (en majorité de droit commun) ont fini de purger leur peine, et nombre d'entre eux condamnés pour des infractions mineures. Donc aucun prisonnier politique ou militant des mouvements de résistance ne figure sur la liste rendue publique, lundi par Tel-Aviv. Israël a ainsi monté en épingle une liste de «libérables» bidon par laquelle, les Israéliens se donnent bonne conscience sans, par ailleurs, permettre à la «feuille de route» d'être autre chose, qu'un plan tiré sur la comète. Tout en faisant le moins - sans même chercher à prendre la précaution de donner le change - Israël exige le maximum, pour le moment, le démantèlement de mouvements de résistance palestiniens. Démantèlement que les Américains eux-même commencent à trouver aléatoire et se demander si ce démantèlement est réellement productif pour la construction de la paix au Proche-Orient. La réalité de la trêve, observée par les mouvements palestiniens est là, et indique, a contrario, que rien, en fait, ne pourrait se faire sans ceux qui se battent dans les territoires occupés. L'autre vérité est que, malgré son arsenal militaire impressionnant, Israël n'est pas parvenue en trois ans, à mettre un terme à l'Intifada et ce sont les Palestiniens qui ont, unilatéralement, décidé d'une suspension de trois mois de leur combat. Ce que les Israéliens n'arrivent ni à comprendre ni à assimiler lorsqu'ils prétendent avoir la paix et la sécurité sans céder, en contrepartie, la terre aux Palestiniens. Et la «feuille de route» s'inspirant de ce principe, la terre contre la paix, dait aboutir d'ici à 2005 à l'érection de l'Etat de Palestine. Habitué à imposer son diktat, Israël ne se rend même pas compte que son maximalisme constitue aujourd'hui l'obstacle majeur à l'instauration de la paix dans la région. Cela, d'autant plus, que les Israéliens ont encore compliqué la situation par la construction du «mur» de séparation qui met réellement en péril la «feuille de route». Les Américains eux-mêmes, qui ne savent pas, par ailleurs, comment faire pression sur leur turbulent protégé israélien, ne laissent pas d'être inquiets par l'obstination que montre Sharon à construire un «mur» qui empiète largement sur les territoires palestiniens occupés. Ainsi, le secrétaire d'Etat américain, Colin Powell, laissant voir son mécontentement, a déclaré en début de semaine «un pays est autorisé et a le droit d'ériger une clôture, s'il en voit la nécessité» ajoute toutefois, «mais dans le cas de la clôture israélienne, nous sommes préoccupés quand la clôture empiète sur la terre d'autrui, et si elle est construite de façon à rendre encore plus difficile l'avancée de la feuille de route, cela nous pose un problème». Le fait est que cette «clôture» ne suit pas le tracé de la «ligne verte» (frontière de 1967) - ce qui, à la rigueur, aurait officialisé la «ligne verte» en tant que frontière entre les deux pays - mais ce mur s'enfonce profondément, sur plusieurs kilomètres, à l'intérieur de la Cisjordanie et cela est inacceptable et remet en cause la pertinence même de la feuille de route. Aussi, échaudé autant par la façon, restrictive et sélective, avec laquelle Israël envisage de libérer les prisonniers palestiniens, que par la poursuite de la construction du «mur», le Premier ministre palestinien, Mahmoud Abbas a décidé d'annuler sine-die la rencontre, devenue sans objet, prévue aujourd'hui avec son homologue israélien, Ariel Sharon. Sous le couvert de l'anonymat, une source palestinienne a déclaré aux agences de presse que «M.Mahmoud Abbas a annulé la rencontre, car il ne voyait aucun signe sérieux de la part des Israéliens de se conformer à la feuille de route», notamment le fait qu'Israël refuse de libérer un nombre significatif de prisonniers palestiniens, relevant par ailleurs, «les Israéliens voulaient utiliser cet événement uniquement pour exploiter la libération d'environ 400 prisonniers seulement, dont la plupart avaient déjà fini de purger leur peine». M Abbas, devait rencontrer hier les deux mouvements islamistes du Hamas et du Jihad islamique dans la perspective de faire le point sur la question des prisonniers. Le Premier ministre palestinien s'est réuni auparavant, lundi - dans une rencontre similaire - avec des représentants du Fatah, le mouvement du président Arafat. Après l'entrevue avec M.Abbas, un responsable du Fatah, Samir Al-Macharaoui a déclaré: «Le Fatah rejette toute tentative d'arrêter les Palestiniens (recherchés) ou de les transférer dans quelque endroit que ce soit, à Jéricho ou ailleurs. Nous avons décrété une trêve, mais il faut que les personnes recherchées soient protégées». Israël qui est seul à tirer profit de la trêve unilatérale des Palestiniens multiplie en revanche, les entraves à la mise en oeuvre de la «feuille de route», alors que leurs protecteurs américains, embarrassés, réfléchissent au moyen d'inciter Tel-Aviv à coopérer à la mise en application du plan de paix sans les contraindre à recourir à des pressions mal vues par le lobby pro-israélien de Washington.