De notre envoyée spéciale en Tunisie Mekioussa Chekir «One, two, three, viva l'Algérie !» Ce slogan enthousiaste n'est pas scandé cette fois-ci dans un stade, un café ou une rue d'Algérie mais dans quelques villes côtières de la Tunisie voisine où la présence de nos compatriotes n'est pas passée inaperçue cet été. Ils étaient beaucoup plus nombreux que les années précédentes à s'y rendre pour y passer leurs vacances. La survenue du Ramadhan au mois d'août a bouleversé les prévisions et obligé la majorité des vacanciers à se concentrer pratiquement sur la même période, le mois de juillet en l'occurrence. C'est ainsi qu'ils ont littéralement «envahi» notre voisin de l'Est, pour reprendre l'expression amusée de certains Tunisiens qui observaient la prédominance du nombre de véhicules algériens. L'ambiance au principal poste frontalier d'Oum Tboul (El Tarf) est un avant-goût de l'importance du flux dans le sens de l'aller. Des dizaines de véhicules et de transport en commun emplissent les aires du parking qui ne suffit plus à les contenir au point que certains doivent trouver des places en annexe. L'attente s'avère souvent longue et épuisante en dépit des procédures de facilitation, accentuant l'impatience des enfants notamment. En stationnement ou en circulation le long des artères de Sousse, de Nabeul ou de Hammamet, des dizaines de wilayas algériennes sont visibles sur les plaques d'immatriculation des automobilistes avec, certes, une prédominance pour le 16, représentant la capitale. En famille ou en groupe d'amis, ils font désormais partie du paysage des étés tunisiens et créent une animation particulière. Certains de nos voisins tunisiens sont si accoutumés à cette présence qu'ils peuvent vous dire à quelle wilaya correspond chaque matricule. Les Algériens, dans leur majorité, préfèrent rallier le pays de Ben Ali par voie terrestre pour des considérations d'économies. Certains trouvent même plus de plaisir à parcourir les longues heures qui séparent les deux pays, car c'est une opportunité d'apprécier la beauté des paysages qui défilent inlassablement devant nos yeux, particulièrement quelques tronçons comme la splendide El Kala et ses incomparables lacs aux flamands roses. L'entrée à Tabarka, première ville tunisienne qui accueille les visiteurs en provenance de la wilaya d'El Tarf, procure tout autant de plaisirs. Alliant vues sur la mer et la montagne, Tabarka, au nord-ouest de Tunis dont elle est distante de 175 km, est une charmante ville côtière. En plus de la typique Sidi Boussaïd, c'est l'une des localités qui respecte le plus la spécificité méditerranéenne qui veut que les habitations soient exclusivement peintes en blanc et agrémentées du bleu azur des persiennes. Mais c'est assurément Sousse, ville portuaire dans l'est de la Tunisie, située à 143 kilomètres au sud de Tunis, qui détient la palme d'or en termes d'affluence. Ces dernières années, les Algériens sont de plus en plus nombreux à y louer dans des hôtels, des complexes touristiques mais plus souvent des appartements ou des villas, formule préférée car moins coûteuse et plus pratique à certains égards, pour plus ou moins de 100 dinars tunisiens la journée, soit l'équivalent de 800 dinars algériens. Surnommée la «perle du Sahel», Sousse plaît aussi pour la diversité de ses sites, de son panorama mais surtout la variété des loisirs qu'elle offre. La visite de la Médina cernée par des remparts et abritant la Casbah est un savoureux voyage dans l'histoire et une plongée intemporelle dans la richesse et la beauté du patrimoine artisanal du pays. Une véritable caverne d'Ali Baba où le touriste ne sait plus où donner de la tête – et surtout comment dépenser son argent - devant de tels étalages d'objets en verre, en céramique, en cuir, en bois, des décorations qui n'en finissent pas d'appâter l'acheteur. Que ce soit dans les médinas (communément appelées Blad El Arbi) de Sousse, de Tunis, la capitale, de Hammamet, les Algériens rivalisent en nombre avec les autres nationalités, occidentales notamment. Les différents accents, qui différencient l'est du centre et l'ouest du sud du pays, s'entendent lors des marchandages avec les vendeurs pour les amener à céder leurs produits au plus bas prix. «Nous aimons beaucoup les Algériens car ce sont eux qui achètent le plus, les Européens négocient pour repartir qu'avec un petit quelque chose ou n'achètent pas du tout», entend-on souvent. Festifs et dépensiers, les Algériens représentent une source de rentrée en devises considérable. Si bien que certains Tunisiens n'hésitent pas à dire que sans eux le tourisme ne se porterait pas aussi bien. «Sans vous, on crèverait peut-être la dalle», ira jusqu'à nous dire un chauffeur de bus. A Nabeul, les Algériens ne sont pas moins nombreux et les opportunités de location y sont plus intéressantes : un studio ou un F2 vous revient à 35, 40 ou 45 dinars tunisiens. Masi, le golfe de Hammamet, constitue le principal attrait avec ses côtes et son fascinant parc d'attractions «Carthage Land» ou les Algériens s'y défoulaient en entonnant en chœur «one, two, three, viva l'Algérie». A notre retour de terre tunisienne, la veille du mois sacré, quel ne fut notre étonnement de constater un nombre considérable d'Algériens qui se conformaient aux formalités douanières au niveau du poste frontalier d'Oum Tboul. Dans le parking où ils attendaient la fin de la procédure, un bus transportant des personnes du troisième âge, se rendant vraisemblablement à un centre de thalassothérapie. Conscientes de la vitalité de l'activité touristique pour la survie de leur économie, les autorités tunisiennes ne cessent de voir en grand les projets de construction d'hôtels et autres complexes qui poussent comme des champignons dans les principaux pôles touristiques. Les structures déjà existantes ne cessent de s'agrandir, comme le port d'El Kantaoui à Sousse qui constitue l'un des principaux loisirs de la ville.