26 juillet 2009. Au poste frontalier d'Oum Tboul, dans la wilaya de Taref, des dizaines de voitures sont garées au parking, d'autres sur les abords de la route. Deux bus sont également en stationnement. Des centaines de personnes attendent nerveusement le moment d'effectuer les formalités policières et douanières pour se rendre en Tunisie. De notre. Envoyé spécial L'immeuble est neuf, mais sans commodités pour accueillir ces milliers de voyageurs qui y transitent. Pour satisfaire un besoin naturel, on doit se diriger vers les bosquets ou le dense tissu forestier qui cerne le poste des frontières. A l'intérieur, quatre à cinq policiers traitent simultanément les dizaines des passeports dans un boucan continu et assourdissant. Aussi, les passe-droits y sont monnaies courantes. « Parfois, les touristes qui se rendent en Tunisie sont contraints d'attendre cinq à huit heures pour accomplir les formalités. Ceux qui ont des connaissances parmi les agents sont chanceux », affirme Saïd, un jeune taxi clandestin, qui a l'habitude de faire le trajet Annaba-Tunis quotidiennement. « Nous sommes 250 à 300 chauffeur de taxi qui faisons ce travail, mais nos recettes restent nulles d'octobre à mai », ajoute Saïid. Sur le Cours de la révolution ou près de la gare de Annaba, ils proposent aux voyageurs potentiels qu'ils savent reconnaître « un départ immédiat pour Tunis ». Prix de la place : 1200 DA. Ces transporteurs particuliers connaissent tout le monde. Même les policiers tunisiens qu'ils saluent chaleureusement dans le poste frontalier tunisien, où il n'y a point de files d'attente ce jour-là. On ne dirait pas que c'est le même nombre de personnes qui étaient à 10 m de là, dans les locaux de la PAF algérienne. Et, c'est toujours ainsi. La route nationale, de 5 m de largeur qui part de l'Algérie continue avec les mêmes dimensions en Tunisie. Ce n'est qu'en se rapprochant de Tunis que l'on pénètre dans une autoroute à double voies où l'on doit payer les droits de péage. Hammamet, au centre est de la Tunisie, est la destination la plus prisée par les touristes algériens. D'autres préfèrent Nabeul ou Sousse. Plusieurs questions sont posées à propos de ces Algériens qui déferlent sur le pays de Benali. Qui sont-ils ? Pourquoi y vont-ils ? Selon un récent rapport de l'Office du tourisme tunisien, 1,2 Algériens ont passé des vacances en Tunisie et une moyenne de 6000 véhicules par jour. Incroyable ! Mais, il faudrait sillonner les routes de la Tunisie et les rues des villes de ce pays pour s'en rendre compte. Il y a autant de véhicules algériens que tunisiens. D'Oran, Tiaret, Blida, Alger, Tizi Ouzou, Biskra, pour ne citer que ces immatricules lointaines de Tunisie. Dans leur majorité, les touristes algériens peuvent être répartis en deux catégories ; les familles, plutôt de la classe moyenne, des groupes de jeunes garçons en quête de lieux de divertissement. Alors que les familles se noient dans l'anonymat confortable offert par la présence de touristes étrangers, les jeunes hommes, par contre, se font remarquer à coups de klaxons et des cris à tue tête. « One, Two, Three, viva l'Algérie » est le slogan crié. Suscitant désapprobation, cette catégorie de touristes est toutefois « tolérée » par la rue tunisienne, car les Algériens sont dépensiers (500 euros en un séjour de 10 jours, sans compter le prix de la location dans les hôtels et les appartements, les pompes à essence et les parkings qu'ils font tourner). Mais, les Tunisiens sont tenus de ne pas montrer des signes d'agacement vis-à-vis de ces touristes turbulents. Il est formellement interdit aux Tunisiens mêmes de s'adresser aux touristes dans la rue. Certaines grandes boîtes de nuit ont interdit l'accès à ces touristes qui confondent tourisme et match de football », témoigne Mohamed, cadre à la Ferphos de Tebessa, habitué de la Tunisie, pays de ses beaux-parents. En Tunisie, le touriste n'a pas besoin de réservation., il n'a aucune crainte de passer la nuit à la belle étoile. Dès l'entrée à Hammamet, de jeunes gens proposent des appartements et des studios à louer. Pratiquement, tout est à louer. Les prix (négociables) varient entre 65 et 80 dinars tunisiens par nuit (1 DT =68 DA). Les hôtels sont également nombreux. Cette ville touristique subit une pression fiscale particulière en période estivale et le gouvernement tunisien accentue les profits. Les commerces paient une taxe supplémentaire de 40%, c'est ce qu'explique le quotidien Le Temps, dans son édition du jeudi 30 juillet. Hammamat est la ville la plus chère du pays, est-il écrit et cela se répercute sur les tarifs des différents produits. Les prix ne sont pas aussi bas qu'on le dit. Les plages sont propres. Serait-ce l'explication du rush des Algériens ? « Non. Nous venons ici pour deux raisons ; d'abord la sécurité. Il n'y a ni bombes qui explosent, ni agressions, ni vols. Ensuite, nous ne trouvons pas en Algérie l'anonymat que nous recherchons. Là bas, la femme est transpercée du regard. Le bronzage est un réel plaisir. Ici, nous nous baignons en bikini alors que chez nous, les femmes se baignent en hidjab. Ici, nous sortons la nuit comme le jour dans une totale tranquillité. Mais, il faut faire attention aux commerçants tunisiens. Ils ont toujours un moyen pour arnaquer le client sur les prix. C'est décevant. C'est la deuxième fois consécutive que je viens dans ce pays, je ne compte pas revenir », dit cette Oranaise d'un certain âge. La Tunisie a investit largement dans le tourisme, c'est source de revenus essentielle. Le secteur du tourisme est le premier pourvoyeur de devises avec des recettes annuelles de deux milliards de dinars et qui créée 350 000 emplois directs et indirects. « La Tunisie, petit pays, est loin du gigantisme algérien. A Hammamat, les habitations sont petites, la baguette de pain aussi », plaisante une touriste algérienne. Les Tunisiens n'ont pas les excès que s'offrent les Algériens. C'est évident. Dans les boutiques, les bouteilles d'eau sont rarement fraîches, tant les frigidaires sont quasiment éteints dans un souci de rationaliser l'électricité. Le pays, dirigé de main de maître par le président Benali, dont le portrait est déployé même sur les calèches et les monuments touristiques, est ouvert sur le monde. La coopération entre la Tunisie et la France en matière de tourisme est réelle. C'est le prince Albert de Monaco qui a inauguré la belle esplanade côtière de Hammamat en 2006, symbole de la coopération entre la principauté et la Tunisie. Le voisin de l'Est continuera d'attirer des milliers d'Algériens. Safia, dentiste, résumera l'état d'esprit : « Pour nous, l'essentiel c'est de prendre le passeport et voyager, aller à l'étranger, sans visa. Pour vu que les bonnes relations entre l'Algérie et la Tunisie se maintiennent ». L'allusion est faite au voisin de l'ouest.