C'est à la librairie les Mille et Une News que le dramaturge, comédien et metteur en scène Slimane Benaïssa a animé une rencontre autour de ses œuvres dans la soirée de lundi dernier face à un public nombreux. Pour le début de la rencontre, l'invité a convié l'assistance à revoir des scènes de ses pièces les plus connues, à savoir le Conseil de discipline, les Prophètes sans dieu et Confessions d'un musulman de mauvaise foi, tout en racontant des anecdotes et les circonstances dans lesquelles les spectacles ont été montés. Se considérant comme un homme exilé, Slimane Benaïssa parlera de son expérience théâtrale en France, déclarant n'avoir pas vécu son exil d'une façon ordinaire mais à la manière d'un artiste impliqué dans la responsabilité de son pays. «Je n'ai pas quitté l'Algérie pour aller évoluer en France. Je suis parti là-bas avec un potentiel. D'ailleurs, les pièces de théâtre que j'ai présentées à l'étranger démontrent la continuité dans ma réflexion et mes démarches. J'ai toujours été ici même en étant ailleurs», précisa-t-il. L'artiste abordera également la problématique de la langue au sein du théâtre tout en soulignant qu'il maîtrise aussi le français, l'arabe classique, l'arabe dialectal et le tamazight. Défendant la richesse linguistique de son pays, Slimane se définit comme un métis qui détient une responsabilité artistique et universitaire envers l'Algérie. Il conviera par la suite l'assistance à visionner le discours qu'il a donné quand il a reçu le prix des auteurs francophones en 1993. Cette vidéo sera suivie de celle de la cérémonie de remise à l'auteur de la distinction honoris causa à la Sorbonne en 1998. «Les langues populaires naissent dans le peuple et s'épanouissent dans l'élite. Les peuples rarement, eux, ont les mots pour dire le bonheur, trop de mots pour cacher la honte du malheur et, quand celui-ci n'est plus à cacher, il se tait. Et la langue s'atrophie, elle se noie dans les larmes, elle se clandestine dans les terreurs, elle se fait petite parce qu'elle reconnaît son impuissance à dire autant de malheur. Et c'est grâce à l'existence d'instituts comme l'INALCO qu'elle trouve refuge, avec l'espoir qu'il ne devienne pas pour elle une sépulture», a déclaré Slimane Benaïssa lors de sa distinction.Par ailleurs, l'auteur a tenu à souligner que le discours théâtral doit s'inscrire dans le vécu et la réalité du peuple. Concernant le choix de la langue française dans ses anciennes pièces, il qualifiera ce choix de résistance «J'écris en langue française. Je n'ai aucun problème avec elle. Moi, je reste toujours moi en utilisant cette langue qui est venue vers nous par la force. Donc, aujourd'hui je me l'approprie et j'en fais ce que je veux face aux Français», a-t-il dit, ajoutant : «Nous, les artistes, nous avons une responsabilité à assumer sur le territoire de l'autre.» W. S.