De notre correspondant à Oran Samir Ould Ali S'il existait un classement, une sorte de hit-parade des endroits que les Oranais détestent fréquenter, la mairie occuperait sans doute l'une des premières places - tout à côté de la Poste ou de la Sécurité sociale - tant leurs rapports avec cette institution se sont dégradés au fil des années. Mauvaise qualité de l'accueil, lenteur des services, mauvaises prestations, attitude dédaigneuse des employés, la liste des reproches que les administrés adressent à l'endroit de leur administration peut être longue et surtout lourde : «Ils ne nous témoignent aucune considération, fulminent-ils rageurs. Avec eux, ce ne sont que longues attentes, interminable paperasse et dialogue de sourds. Il y en a même qui, devant leurs guichets, fument sans s'inquiéter d'indisposer les citoyens dont certains poireautent depuis des heures. C'est vraiment indécent !!» Les registres de doléances que les administrations mettent à la disposition des citoyens sont remplis de critiques acerbes : «C'est une honte ! L'accueil est exécrable et le service médiocre alors que des sommes d'argent colossales sont dépensées pour la modernisation (...) Vous n'êtes que des menteurs : à la télévision, vous parlez d'une chose mais dans la réalité, nous trouvons autre chose (...) Messieurs les directeurs, envoyez des commissions d'enquête et vous verrez la mauvaise gestion qui règne ici...», peut-on y lire en substance.La déliquescence des rapports entre administration et administrés se vérifie tous les jours, dans toutes les APC de la wilaya d'Oran, et il suffit de se rendre dans n'importe quelle petite mairie de quartier pour en mesurer l'ampleur : les files d'attente sont ininterrompues (l'attente pouvant facilement atteindre la demi-heure pour un simple extrait de naissance), certaines prestations de services ne sont consenties que les matinées, d'autres les après-midi, les retards dans la délivrance des documents récurrents tout comme sont récurrents les problèmes de disponibilité de certains imprimés, et les manifestations d'agacement ou de fureur des citoyens très fréquentes : «Ces gens ne semblent pas comprendre qu'ils sont au service du citoyen, que leurs émoluments proviennent de ses cotisations et qu'ils lui doivent respect et considération. On dirait qu'ils le rendent responsable de leurs mauvaises conditions de travail, de la médiocrité de leur hiérarchie et des problèmes socioprofessionnels auxquels ils sont confrontés», analyse un commerçant oranais qui a maille à partir avec l'administration algérienne, exprimant probablement le sentiment général de ces citoyens ballottés d'un guichet à un autre, d'un service à un autre, d'une date à une autre : «Cela fait plusieurs mois que j'ai demandé mon extrait de naissance S12 et je continue d'attendre, se plaint une jeune femme. Toutes les fois que je vais aux nouvelles, on me répond que ce n'est pas encore prêt. Le S12 est pourtant supposé régler les problèmes, non pas les amplifier. Je ne comprends pas !»Depuis l'apparition de ce document, les services de l'état civil d'Oran vivent une rare effervescence, qui met les nerfs à vif et provoque souvent des prises de bec entre employés qui se disent dépassés et des citoyens outrés : «Pendant que les demandeurs attendent ainsi, des personnes bien introduites l'obtiennent très vite pour des sommes allant de 4 000 à 5 000 DA. C'est un filon très juteux qu'en l'absence de contrôle rigoureux, certains exploitent adroitement», expliquent des sources proches de l'état civil en rappelant l'affaire du «courtier du S12» qui était venue, il y a quelques semaines, rappeler que le mal de l'administration algérienne ne réside pas seulement dans ses lourdeurs et ses archaïsmes mais aussi dans la corruption et la compromission. En attendant de lutter contre ces fléaux, les pouvoirs publics ont décidé d'alléger la pression qui pèse sur l'état civil, d'améliorer les conditions d'accueil des administrés et d'accélérer le traitement des dossiers en déménageant ses services vers les locaux de l'Entreprise des manifestations économiques et commerciales (EMEC), située à M'dina J'dida. Si pour le moment, aucune date n'a été retenue, l'on sait qu'une enveloppe de cinq millions de dinars a été allouée pour l'aménagement des 1 000 m⊃2; qui hébergeront l'état civil, dont la moitié sera réservée à l'accueil des administrés.