Voilà presque une cinquantaine d'années que notre pays a accédé à l'indépendance mais aussi autant d'années durant lesquelles la France n'a toujours pas assimilé et assumé ses désillusions. Si une partie de l'establishment de l'autre côté de la mer n'accepte toujours pas cette réalité et ses nostalgiques s'évertuant à revenir sporadiquement et surtout autrement en la modifiant sur la nature même d'une colonisation ignominieuse par ses dénis de droit, de justice, d'immoralité et d'inhumanité lesquelles, une fois exportées les premières images du conflit, ont bouleversé l'opinion internationale, il n'en demeure pas moins malheureusement qu'historiens, hommes de lettres, universitaires, chercheurs, artistes mais aussi les membres d'une diaspora intellectuelle dynamique ne se résolvent toujours pas à une implication réelle, voire à une invitation d'autorité au débat, à la confrontation d'opinions à même d'apporter un éclairage sur le drame algérien dont se sont saisis pourtant en une conjoncture difficile, pour ne pas dire dangereuse, écrivains, cinéastes, essayistes, historiens, politiques, scientifiques dans l'Hexagone même aux moments les plus forts du conflit armé.Bien évidemment côté écriture et côté caméra, qu'elles soient de fiction ou informatives, les nouvelles de la «guerre d'Algérie», selon l'acception colonialiste, s'appesantissaient sur la glorification de la colonisation sans qu'à l'inverse du côté de l'opprimé ne lui soit opposé un rejet… un vrai rejet exprimé avec lucidité et construit sur des vérités qu'il était difficile d'occulter et pour cause le génocide qui avait lieu sur le sol algérien. Alors n'était l'évocation par des cinéastes engagés et des documentaristes soucieux de dire la vérité sous un prisme totalement allusif, le drame national passait sous silence.Un demi-siècle après, les nostalgiques de l'Algérie française qui n'ont jamais désarmé sont néanmoins arrivés à leurs fins et ont littéralement «arraché un droit de vérité historique» scélérat selon lequel la colonisation aurait été positive. La nature a horreur du vide, dit-on, et c'est justement ce vide qui a été mis à profit par des politiques qui sont même arrivés à capter l'intérêt d'une partie de l'intelligentsia française et drainer dans leur sillage des écrivains, artistes et comédiens, intellectuels qui n'ont eu aucune difficulté à retourner leur veste sur la question, notamment depuis la dernière élection présidentielle française.Entre-temps, quelle réaction sérieuse a été recensée du côté algérien pour contrarier de graves velléités révisionnistes ? Existe-t-il un effort intellectuel quantifiable et tout aussi qualitatif qui aiderait les nouvelles générations à comprendre les fondements et les sources d'une révolution algérienne telle que vécue par leurs parents et les parents de leurs parents ? Autrement aussi que parce qu'ils apprennent à l'école et qui n'est que rarement explicite. Les historiens algériens donnent la grave et nette impression de faire preuve de pudeur, voire de tiédeur dès qu'il s'agit pour eux d'évoquer intrinsèquement dans un ouvrage la période coloniale et plus particulièrement les sept années de conflit armé, notamment s'il s'agit de le consigner dans un ouvrage sans renoncer pourtant à l'opportunité d'extérioriser, mais plutôt dans un cadre restreint, les conclusions de profondes recherches auxquelles ils n'arrêtent pas de se consacrer.La production cinématographique, exception faite de ce que font un ou deux cinéastes comme Bouchareb et Bensmaïl, est entrée en hibernation depuis que les films de fiction qui ont pour filigrane la révolution algérienne ne sont plus porteurs. La nouvelle tendance étant aujourd'hui aux longs métrages et fresques historiques, quoique, pour des raisons… historiques aussi mais surtout pour de faibles convictions sur le sujet, rares sont ceux qui se bousculent au portillon pour en tenter l'expérience. Bien loin, donc, la période où des gens comme René Vauthier, Cécile de Cujis, Labudovic, Clément, en plus de leurs convictions, mettaient en jeu leur propre vie pour parler du drame algérien. A. L.