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Des dysfonctionnements affectent la gestion des villes de Tlemcen
L'urbanisation anarchique prend de l'ampleur faute de contrôle
Publié dans La Tribune le 03 - 11 - 2010


Photo : S. Zoheir
De notre correspondante à Tlemcen
Amira Bensabeur
Tlemcen compte des centaines de logements non livrés. Les responsables et les gestionnaires ont mis, à plusieurs reprises, en exergue les grandes lignes de la politique en matière d'habitat et d'urbanisme basées sur une nouvelle approche de la lutte contre l'habitat anarchique. Or, la réalité sur le terrain montre qu'entre la formulation d'une politique et son application, il y a un fossé, ce qui s'explique par les défaillances et les dysfonctionnements existant entre les différents acteurs. Pourtant, cette politique engagée par l'Etat ne vise qu'à faire bénéficier les populations défavorisées de logements décents et abattre ces murs qui cachent mal la misère. Et faire un état des lieux de ces pseudo- habitations, qui n'offrent aucune commodité, nécessite des pages entières. Quant aux causes et raisons ayant conduit à cet état de fait, c'est toute une étude sociologique qu'il faut pour comprendre ces comportements qui ont consisté à faire pousser les bidonvilles comme des champignons autour des grands centres urbains du pays, sans qu'aucun responsable, aucune administration ne réagissent pour mettre le holà.L'incivisme, la dégradation du cadre de vie et des écosystèmes, l'urbanisation anarchique, l'occupation des sols impropres à l'habitation sont les principaux problèmes auquels son confrontées les
autorités de la wilaya de Tlemcen. D'autant plus que le phénomène s'est aggravé faute de contrôle, et les constructions illicites poussent, faute également de contrôles rigoureux de la part des concernés. Pourtant, depuis belle lurette, on entend dire que les objectifs sont d'améliorer la conscience environnementale de la population, intégrer la dimension environnementale dans les stratégies et projets, développer des infrastructures et améliorer la gestion foncière. Mais force est de constater qu'à Tlemcen, il n'y a pas un modèle de ville durable. Cela dépend des héritages urbains et des trajectoires suivies par chaque ville que compte la wilaya. Pourtant, la durabilité se situe à la confluence entre héritage et projection vers l'avenir. On peut dire, comme l'expliquent des chercheurs, que la durabilité d'une ville tient à sa capacité à orienter son développement et limiter les effets dommageables que celui-ci génère sur les populations, les ressources et les milieux de vie. Les responsables politiques et les élus doivent aujourd'hui raisonner différemment en pensant d'abord «dynamique urbaine et territoriale» sans négliger les stratégies de mobilité, la localisation des emplois et de l'habitat, leurs impacts environnementaux et sociaux. A Tlemcen, qui compte plusieurs villes à l'image de Ramchi, Maghnia, Nedroma, etc., il est à noter que la systémique des villes devient de fait plus complexe. Les politiques d'habitat, d'urbanisme, de transport et de protection environnementale doivent être concertées et coordonnées, afin d'éviter les effets contradictoires que les unes produisent sur les autres. Dans ce sillage, il est à rappeler ce qu'avait expliqué le Docteur en sciences économiques, Boutaleb Kouider, de l'université de Tlemcen, en évoquant la problématique de la décentralisation et de la démocratisation de la gestion des biens et services collectifs dans l'optique d'un développement durable, autant cas de l'Algérie. Le docteur a souligné que «l'Algérie, à l'instar de nombreux pays africains, se caractérise par un extraordinaire essor des villes et par des bouleversements dus à ce processus d'urbanisation quasi non maîtrisé. La pression démographique, bien que ralentie, s'est conjuguée aux facteurs d'urbanisation et d'exode rural classiques amplifiés par la situation sécuritaire dramatique vécue par les campagnes algériennes durant la décennie écoulée pour accentuer ce processus d'urbanisation avec son cortège de conséquences en matière de demande sociale (logement, santé, éducation…)». Le chercheur ajoutera que cette situation déjà préoccupante a été largement amplifiée par le phénomène de paupérisation qui a évolué rapidement suite aux réformes socio-économiques initiées dans le cadre des Plans d'ajustement structurel (PAS) imposés par le Fonds monétaire
international (FMI) pour permettre à l'Algérie de juguler la crise de l'endettement extérieur et promouvoir la transition à une économie de marché. «Ce phénomène d'urbanisation anarchique, conjugué à la carence de la gestion urbaine et la non-prise est charge des problèmes environnementaux, est à l'origine des graves atteintes à l'environnement que connaît le pays et d'une manière générale, de la dégradation des ressources naturelles, des biens et des services collectifs. La ville est ainsi devenue synonyme de malvie, d'inconfort, d'insécurité pour les populations qui y vivent. Sur le plan sanitaire, la résurgence des maladies infectieuses a été l'un des faits saillants durant cette dernière décennie. La pauvreté, le recul de l'hygiène et les conditions d'existence dans des quartiers défavorisés ont été les déterminants de ce phénomène comme c'est le cas aussi dans de nombreux pays à travers le monde notamment en Afrique…. ».Pour Tlemcen, nul ne peut nier qu'un nombre important de terres a été consommé par l'urbanisation anarchique marquée par l'une des principales sources de dégradation de l'environnement et de détérioration de l'hygiène publique qui est visiblement constituée par les déchets urbains. La plupart des agglomérations urbaines et rurales éprouvent de grandes difficultés dans la gestion de leurs déchets, que ce soit au niveau du ramassage ou de celui de l'évacuation et de l'élimination. Par ailleurs, les décharges sont généralement situées sur des terrains perméables, ce qui constitue une source de contamination des eaux souterraines. Ainsi, les villes dans la wilaya de Tlemcen doivent juguler une urbanisation galopante, et l'heure a sonné pour lancer une vraie politique afin d'endiguer le fléau qui mine les régions, et défigurent les paysages. Dans le cas contraire, les décors montreront à quiconque les signes de la misère et de la pauvreté dans une région qui s'apprête à abriter une manifestation culturelle de dimension
internationale : «Tlemcen, capitale de la culture islamique 2011».Pourtant, de nombreux projets de réalisation de logements ont été achevés, mais personne n'ose prendre la décision de les distribuer. Et pour cause. Distribution de logements est synonyme de grogne sociale, voire d'émeutes. A cela s'ajoute le projet de 30 000 logements inscrit dans le cadre du quinquennat 2010-2014. Avec toutes ces réalisations, il y a de quoi éliminer une grande partie de cette urbanisation anarchique et des bidonvilles. Les spécialistes et les
universitaires ont pourtant, à maintes reprises, signalé que la bidonvilisation des villes est un phénomène dont la prise en charge nécessite un travail multisectoriel et l'implication de différents acteurs. Ils s'accordent à dire que, pour que l'urbanisation ne soit plus synonyme de crise, il est nécessaire d'avoir une politique véritable de la ville, un projet urbain, une démocratie urbaine, l'implication du citoyen dans le cadre de la complémentarité des efforts accomplis par l'Etat. Ce sont là les atouts pour développer et assurer correctement le devenir urbain de l'Algérie, affirment-ils. «Notre conviction donc, étayée par le renouvellement des anciennes philosophies de développement et de management des ressources en termes de gouvernance, d'Etat de droit et de démocratie grâce notamment aux apports théoriques d'Amartya Sen est qu'aucune réponse ne peut être considérée sans l'implication du citoyen dans un cadre territorialement décentralisé et institutionnellement balisé», fera remarquer le Dr Boutaleb lors d'une intervention sur le problème en question. Il est à rappeler que le phénomène ne date pas d'hier, et durant laquelle est accentué par la décennie noire où nombre de familles ont changé de lieu de résidence, quittant leur douar pour la ville et passant sans transition d'un mode de vie à un autre. Cet exode forcé a provoqué le pire. Des espaces ont été érigés sans normes et avec les entraides et la solidarité, ancrage de la société rurale, Ces lieux sont malheureusement occupés par une population généralement sans travail ou exerçant une activité de survie dans le secteur dit informel, et une vie caractérisée par des situations déviantes telles que vol, drogue, prostitution ou mendicité. Et dans la wilaya de Tlemcen, cette politique de débrouillardise pour se loger comme on peut et où on peut est toujours en vigueur.


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