C'est aujourd'hui que la Fifa va attribuer l'organisation des Mondiaux 2018 et 2022 de football. Pour 2018, les pays en lice sont l'Angleterre, la Belgique et les Pays-Bas en duo, l'Espagne et le Portugal également en duo, et la Russie. Pour 2022, les candidats sont l'Australie, la Corée du Sud, les Etats-Unis, le Japon et le Qatar. Au-delà du fait que cette cérémonie d'attribution a toujours été un événement planétaire, ce qui a renforcé l'intérêt du public, en général, et des amoureux de la balle ronde, en particulier, cette fois-ci, c'est le scandale lié à la «vente» supposée de voix, en faveur de certains pays candidats, qui pimente la soirée de Zurich en ce mémorable 2 décembre. En effet, le journal britannique Sunday Times avait piégé des membres du bureau exécutif de la Fifa en faisant passer des journalistes pour des lobbyistes. C'est ainsi que des membres dudit bureau se sont dit prêts à «offrir» leur voix en faveur de pays en contrepartie d'une somme d'argent. Après enquête, la Fifa a sanctionné six de ses officiels dont deux membres du bureau exécutif, en l'occurrence Amos Adamu (Nigeria) et Reynald Temarii (Tahiti), également vice-président de la Fifa. De telles révélations n'ont pas manqué de donner un cachet si particulier à ce rendez-vous. Si ce scandale a fortement secoué l'instance internationale, puisque le président de la Fifa, Sepp Blatter, a parlé lui-même de «situation très désagréable», c'est parce qu'elle remet en cause la crédibilité du processus d'attribution de l'organisation des Mondiaux. Rien n'indique, néanmoins, qu'il n'y avait pas eu de «vente de voix». Dire que les scandales concernant la corruption au sein de la Fifa ne datent pas d'aujourd'hui est un secret de Polichinelle. On se souvient de la polémique suscitée par le livre Carton rouge : les dessous troublants de la Fifa, du journaliste britannique Andrew Jennings en 2006. Le contenu de ce livre-révélation a été étouffé par l'instance de Blatter. Il faut dire que la multiplication des révélations sur des scandales de corruption ou de malversation est liée à la nature même de l'instance internationale ou plus précisément à ce qu'est devenu le football aujourd'hui. D'un sport «éthique» prônant le rapprochement entre les peuples, le football est devenu, au fil du temps, une machine à engranger la manne financière. Il n'y a qu'à voir le montant des ventes des droits de retransmission des différentes compétitions internationales, en premier lieu la Coupe du monde, pour avoir une idée sur les sommes d'argent colossales qui circulent au sein et autour de la Fifa. Ce qui, bien évidemment, attire des «prédateurs» de tous bords. Dans le même ordre d'idées, il est sans rappeler que depuis plusieurs années déjà, bon nombre de pays africains n'arrivent plus à s'offrir les droits de retransmission des compétitions d'envergure. Suivre un match de football à la télé est devenu un luxe auquel certaines populations africaines ne peuvent prétendre. La «financiarisation» excessive du football a fait que le tiers-monde, en général, et l'Afrique, en particulier, soient globalement en marge de ces événements sportifs mondiaux. Mettant à profit l'incompétence et la prédation qui règnent sur le continent, la Fifa «avance» sans se soucier des retombés néfastes de cette logique sur l'Afrique. Une «avancée» controversée à vitesse unique. En tout cas, ce soir, les organisateurs des Mondiaux 2018 et 2022 seront connus. Le Qatar est candidat pour l'édition de 2022. S'il l'emporte, ce sera le premier pays arabe qui organisera un Mondial. Les Qataris l'espèrent d'autant plus qu'il y a eu l'édition africaine avec son incontestable réussite. Mais rien n'est évident. La Fifa a aboli le système de rotation entre les continents pour perpétuer l'exclusion des «petits» de ce monde. A. A. Lire également en pages 18 et 19