Quelques jours avant le 11 décembre 1960, la France coloniale avait cru qu'elle avait remporté la guerre militairement contre l'ALN et diplomatiquement contre le FLN puisqu'elle avait réussi jusque-là à faire barrage à toute résolution devant reconnaître le GPRA et devant contraindre Paris à reconnaître le droit du peuple algérien à l'autodétermination. En effet, sur le plan militaire, l'ALN était en difficulté face à la machine de guerre coloniale qui avait encerclé les maquis à travers l'opération Jumelles ayant coupé les maquisards de leur vivier qu'était le peuple. D'autre part, les luttes intestines au sein du FLN-ALN ont grandement affaibli la révolution qui restait toutefois très active au plan diplomatique puisque beaucoup de pays avaient reconnu le GPRA et des représentations diplomatiques algériennes avaient été ouvertes dans différentes capitales, notamment en Amérique latine, en Asie et en Europe de l'Est. Bien que de Gaulle misait depuis 1959 sur la séparation entre l'Algérie et la France, il projetait néanmoins de séparer le Sahara du reste de l'Algérie, puisqu'en 1956 le pétrole avait été découvert. Des contacts informels et indirects ont eu lieu dès 1959 entre les représentants du pouvoir français et ceux du GPRA en vue d'aboutir à un accord qui allait de la fameuse «Paix des braves». Mais les Algériens ont vite compris les objectifs colonialistes, à savoir l'amputation de l'Algérie de son Sahara et de ses richesses. Le GPRA savait aussi qu'il ne disposait pas de moyens militaires pour pouvoir peser dans les négociations futures avec la France. Le CCE du FLN, conscient de cette réalité du terrain et des visées machiavéliques de la France, avait décidé de bouleverser la donne et de faire plier la puissance coloniale par la rue. Des instructions ont été ainsi données aux militants de base pour organiser une manifestation dans les rues de la capitale où beaucoup de journalistes étrangers étaient accrédités et qui serviraient de porte-voix à la rue d'Alger. Le 11 décembre 1960, la France est surprise par l'ampleur de la manifestation d'Alger qui n'avait d'égal que la force coloniale mobilisée pour faire taire dans le sang la voix de l'Algérie. Mais cette voix a retenti dans l'hémicycle de l'ONU qui a voté quelques jours plus tard la résolution 1514 consacrant le droit du peuple algérien à l'autodétermination et dont bénéficieront plus tard tous les peuples en lutte pour leur indépendance nationale. Le 11 décembre 1960 a fait école et a été l'étincelle qui allait mettre le feu à la poudrière coloniale en Afrique, en Asie et en Amérique latine pour la délivrance des peuples. Ce n'est pas par pure cérémonie que l'Algérie célèbre demain le cinquantenaire de la résolution 1514 des Nations unies qui a mis un terme au diktat colonial imposé aux peuples. Les martyrs du 11 décembre 1960 ont épargné à l'Algérie plus de morts, plus de souffrances et surtout plus de temps sous la botte coloniale. Toute l'Algérie s'incline en hommage à leur mémoire. A. G.