Abdellah Sahki avec un ami et sa famille Par Slim Sadki Parmi les protecteurs de la nature, il y a chez nous une espèce d'hommes qui n'a pas forcément fréquenté les grandes écoles et les salons feutrés des ministères, mais dont l'œuvre, discrète, à l'épreuve du terrain, est immense. C'est le cas d'Abdellah Sahki, le naturaliste passionné du désert, qui vient de nous quitter à l'âge de 44 ans, en tombant, le 9 août à midi dans le puits qu'il creusait dans son auberge du relais Mustapha Müller, à 7 km au nord de Tamanrasset. Il laisse trois enfants et une veuve, sa partenaire également dans ses travaux sur la végétation de l'Ahaggar. Abdellah Sahki, né le 19 mai 1963 et originaire de Tachta Zougagh, daïra d'El Abadia dans la wilaya de Aïn Defla, est le fils adoptif et spirituel de Mustapha Müller, le père fondateur des parcs nationaux algériens, décédé, lui aussi, à Tamanrasset le 9 octobre 1993 à midi, terrassé par une crise cardiaque. Mustapha est Autrichien d'origine. Antinazi dès son jeune âge puis anticolonialiste, il rejoint le FLN à Paris en 1957, où il est enrôlé dans l'ALN avec pour mission de faire déserter les germanophones de la Légion étrangère française. «Il a volé toute une brigade à l'armée française», dira de lui la presse lorsqu'elle apprendra qu'il a réussi à détourner 3 000 légionnaires. A l'indépendance, il occupe différents postes dans l'administration, notamment à l'information et à la jeunesse. En 1976, il est dans la protection de la nature et milite pour la création des parcs. Il est souvent au Djurdjura, avant que celui-ci soit érigé en parc, où il rencontre le petit Abdellah, âgé de 13 ans, qui accompagne son grand frère Boualem, lequel travaille dans les forêts. Abdellah va rester dans le Djurdjura à suivre Mustapha dans ses diverses entreprises jusqu'en 1980, date à laquelle il rejoint, en qualité de directeur, la station de l'Institut national de recherche forestière de Tamanrasset (INRF). C'est ainsi que commence sa grande vadrouille dans l'Ahaggar, qu'il va sillonner en long, en large et en travers, jusqu'à devenir un spécialiste incontournable de la nature sauvage de cette région du Sahara et une personnalité complètement intégrée dans les tribus touareg avec lesquelles il partageait la connaissance de la langue berbère. Théodore Monod, le célèbre naturaliste français, envoûté aussi par le désert, était, sur tous les plans, un exemple à suivre. Il va, bien entendu, militer activement pour sauvegarder la faune et la flore du Parc national du Hoggar et contribuer à la diffusion des savoirs modernes et traditionnels sur la flore locale. Abdellah n'avait pas fait de grandes études. C'était un autodidacte de génie. Sa formation intellectuelle originale a apporté un éclairage nouveau et moderne de la connaissance des plantes du désert. Avec son épouse Rabea, il a réuni cette somme d'informations dans un guide de la flore de l'Ahaggar et du Tassili, le Hoggar, promenade botanique, qui fait autorité en la matière. Il quitte l'INRF en 2004, mais reste fidèle à ses convictions pour se consacrer à partager avec les autres son immense savoir sur le désert. Il s'occupe de Timidoua, une agence de tourisme familiale et décide de faire découvrir les trésors du désert aux chercheurs, aux étudiants et aux touristes. Abdellah était le manager de Timidoua, mais aussi un infatigable et intarissable guide. Un grand guide de la protection de la nature dans notre pays. C'est cette image qu'on gardera de lui.