Louis XVI, roi de France, fut guillotiné pour avoir tenté de reprendre le pouvoir grâce à des armées étrangères. La Révolution n'a pu le condamner à mort et l'exécuter que grâce à une inculpation de haute trahison. La révolution en marche, qui a produit les valeurs dont se réclame aujourd'hui la «communauté internationale», construisait sa propre légalité, contre le droit de la force d'alors.«La Cedeao prendra par la force le pouvoir à Laurent Gbagbo et le donnera à Alassane Ouattara», a claironné le porte-parole de l'armée nigériane, le colonel Mohamed Yerimah. Juste avant, Soro, le chef des milices, qui avait tenté, sans succès, de renverser le gouvernement ivoirien à partir du Burkina Faso avait affirmé : «Si d'ici minuit il ne quitte pas le pouvoir, le président de la République sera au regret d'envisager d'autres mesures.» Ainsi, l'armée nigériane, sous le couvert de l'Economic Community of West African States Cease-fire Monitoring (Ecomog), est mise en avant pour faire le travail pour ceux qui ont décidé qu'il soit fait et qu'ils ne peuvent pas faire eux-mêmes, sans risquer de s'engager dans un bourbier dont ils ne veulent pas. Il leur suffira de fournir les armes et d'assurer la «légalité internationale» des massacres. Une légalité qui n'a pas préoccupé, outre-mesure, les Etats-Unis quand il s'est agi d'envahir l'Irak et dont Israël ne fait aucun cas depuis plus de soixante ans, sans que la «communauté internationale» s'en préoccupe elle-même, ne serait-ce qu'un instant, pour la forme.Dans ce cas, la morale voudrait qu'il soit dit aux Palestiniens, aux Africains et à tous ceux qui sont placés en dehors de l'humanité que c'est le droit de la force qui leur est appliqué. D'autant qu'ils le savent et que de plus en plus de gens le découvrent, au rythme des crimes du terrorisme d'Etat qui se multiplient. Ouattara pourra être intronisé sans simagrées sur les cadavres de dizaines de milliers d'Ivoiriens, qui mourront en sachant que c'est parce qu'ils ne sont pas du côté de la force. Les milliers de Français qui ne voient pas encore de raison de quitter la Côte d'Ivoire, malgré les appels de Nicolas Sarkozy, croient aussi certainement ce qu'ils voient et non pas ce qu'on voudrait qu'ils voient, c'est-à-dire les préparatifs psychologiques du carnage. Pour cela, ils doivent deviner que leur présence, ou leur peu d'empressement à fuir le pays, représente un démenti aux allégations sur les exactions rapportées par les médias dominants. S'ils tardent à prendre conscience de l'enjeu, c'est qu'ils sont intoxiqués par l'idée communément admise de légalité. Ils n'ont sûrement pas trop vu ces 179 morts dont on parle depuis plus de 15 jours sans pouvoir en augmenter le nombre, en rapport avec les informations alarmistes. Ils n'ont pas non plus entendu parler de ces «éventuels charniers» que les troupes onusiennes veulent «découvrir». Le résultat est qu'ils auraient été 2 000 ressortissants français sur 15 000 à obéir, le plus grand nombre n'a manifestement pas trouvé de raison de s'en aller, tant qu'il ne lui sera pas expliqué qu'Alassane Ouattara n'est qu'un prétexte et que ce n'est pas de sa «légitimité» qu'il s'agit, mais des immenses intérêts que représente la Côte d'Ivoire. Pourtant, c'est un secret de Polichinelle, qu'il est inutile de dissimuler. Le président «certifié par l'ONU» ne va servir qu'à «légitimer» la mise au pas de ceux qui, dans le pays, remettent en cause les 50 années de prédations et de mainmise sur les richesses ivoiriennes. A. H.