L'historien français, Benjamin Stora, est de nouveau revenu sur les raisons l'ayant amené à écrire un livre sur une période particulière de la carrière politique de François Mitterrand durant la guerre de Libération, passée sous silence par les historiens. Dans une interview accordée jeudi à l'hebdomadaire Politis sous le titre “Quand Mitterrand faisait tourner la guillotine”, M. Stora a affirmé que si le statut de “coupeur de tête” qu'on attribue à Mitterrand “n'a pas été exploité par ses adversaires politiques, tant à droite qu'à gauche, c'est parce qu'on avait beaucoup guillotiné de militants algériens après Mitterrand et sous le général de Gaulle et que la guillotine ne s'est arrêtée qu'en 1961 (..)”. Mitterrand avait, rappelle-t-on, refusé la grâce dans 80% de cas. Il a couvert l'exécution de 45 Algériens condamnés à mort par une justice expéditive. La guillotine tournait à plein régime. Même un ouvrier français, militant communiste, Fernand Yveton, sera exécuté sans preuve. Chaque exécution entraînait une nouvelle escalade qui faisait dire à Mitterrand que “cette révolution peut être matée”. L'historien a également relevé que le Parti communiste avait, lui aussi, voté les pouvoirs spéciaux en 1956 qui laissaient à l'armée les mains libres. La gauche, a-t-il dit, était abolitionniste de la peine de mort, mais ne menait aucune campagne là-dessus. À l'époque, a relevé l'historien, “on parlait plus de la torture, notamment avec la parution du livre d'Henri Alleg la Question que de l'abolition de la peine de mort”. Pour lui, “quand on traverse la Méditerranée, on voit la différence. Les martyrs de la Révolution algérienne sont les hommes qui ont été guillotinés et le premier exécuté Zabana en est un exemple symbolique”. Benjamin Stora affirme également que le livre qu'il a écrit est “bien le premier ouvrage qui se concentre sur cet homme politique et la guerre d'Algérie”. De son point de vue, “si ce travail voit maintenant le jour, cela tient à plusieurs raisons”. D'abord d'ordre classique dans le mesure où certains acteurs acceptent aujourd'hui de parler, d'autre part, a-t-il ajouté, les archives sont désormais accessibles, notamment au ministère de la Justice. Il évoque, en outre, une conjoncture politique : le désir des jeunes générations en particulier, les enfants de l'immigration qui veulent connaître leur passé, celui de leurs parents et celui d'une France qui a été en guerre coloniale. Le livre de Stora François Mitterrand et la guerre d'Algérie, qui est paru au début du mois d'octobre en France, retrace la période au cours de laquelle Mitterrand était ministre de l'Intérieur de Pierre Mendes-France puis ministre de la Justice, garde des Sceaux de Guy Mollet à partir de 1956.