Résumé de la 3e partie n L'œuvre de Raggi est mise au grand dépôt des marbres, mais un fervent royaliste essaie, par tous les moyens, de la soumettre à l'admiration des foules... «Mes chers amis, j'ai enfin l'impression que mes efforts vont aboutir. Aujourd'hui, 30 juillet 1869, Sa Majesté l'empereur Napoléon III ayant donné des ordres, la statue du vénéré roi martyr arrive au port de Bordeaux, avec quarante ans de retard... Raggi, le sculpteur, n'est hélas plus là pour jouir de son triomphe. — Où sera-t-elle placée ? — Dans une salle du musée. — Mais, cher ami, songez-vous qu'il n'existe pas dans le musée de salle assez haute de plafond pour contenir la statue ?» Le conseil municipal trouve une solution : «Momentanément, elle trouvera place dans le jardin du musée... — Sans piédestal, ce sera hideux ! — Elle sera dissimulée derrière des palissades.» Ce que personne ne prévoit – après la révolution de 1830, celle de 1848, et l'arrivée du Second Empire – c'est la chute à Sedan, en 1870 et la fin de cette époque de fêtes et de luxe. Louis XVI reste en pénitence derrière les palissades. Pendant huit ans... 1877 : encore une séance mémorable au conseil municipal bordelais. Evidemment, il n'existe plus personne qui ait assisté à celle de 1824... Le maire républicain, Emile Fourcard, prend l'initiative : «Les années ont passé. Tous les griefs que l'on pouvait avoir vis-à-vis des Bourbons n'ont plus de raison d'être. Il est temps de donner à la statue la place qu'elle mérite... A la fois par sa qualité et par le respect que l'on doit au modèle.» On prépare une salle spéciale dans le musée pour y exposer Louis XVI. «Quelle rigolade ! Une salle spéciale pour Louis XVI ? Dites plutôt pour y cacher Louis XVI !» En effet, l'œuvre de Raggi, au lieu d'être mise en valeur comme elle le mériterait, est dissimulée derrière un rideau. Le gardien, qui guide les visiteurs, prend un ton de confidence pour annoncer : «Messieurs-dames, je vais à présent, pour les personnes que cela intéresse, vous faire passer derrière le rideau que voici. Les amateurs pourront y contempler la statue monumentale de feu le roi Louis XVI. Les personnes dont la sensibilité ou les idées politiques iraient à l'encontre de cette vision peuvent sans plus attendre passer à la salle suivante.» En 1941, le Louis XVI de Raggi ne représente plus grand'chose sur le plan émotionnel. Mais pour les occupants allemands, il représente... plusieurs tonnes de bronze ! La presse d'occupation, hypocrite, et suivant les ordres du gouvernement, annonce : «La réquisition des métaux non ferreux est destinée au sulfatage de nos vignes, richesse de la France.» En fait, les Allemands veulent ce bronze pour leurs usines d'armement. Le conservateur du musée de Bordeaux, à son tour court les ministères et les bureaux des autorités allemandes pour essayer de sauver Louis XVI et les autres statues de Bordeaux. En vain. Louis XVI disparaît parmi les cinq cents tonnes de métal fournies par le département de la Gironde. La statue pèse douze tonnes et demie et contribue pour beaucoup à la place peu enviable que prend la Gironde dans la fourniture de métaux aux troupes d'occupation. Le conservateur du musée, dès qu'il apprend que Louis XVI doit être sacrifié, décide : «Vite, il faut faire des moulages de la statue !» Les Allemands le prennent de vitesse. Il n'a pas le temps d'aller au bout de son projet. Seuls nous restent, sauvés du désastre, l'épée et le collier de Saint-Louis, une maquette de la statue à une échelle réduite, et un moulage de... la tête du malheureux Louis XVI !