De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi Une sorte de morosité assortie de psychose a survolé la ville de Constantine au lendemain des émeutes déclenchées en divers arrondissements. Un goût d'amertume se dégage et l'incertitude plane sur le retour au calme. «C'est abject ce qu'a vécu la ville jeudi soir et vendredi !» s'indigne un résidant qui ne ménage pas des pseudo-manifestants ayant recouru à la violence pour protester contre la cherté de la vie et qui au passage n'ont pas hésité dans certains endroits à «dépouiller» des personnes. Une lecture pour le moins élargie nous est proposée par un sociologue. «Il y a effectivement un ras-le-bol dans la société algérienne. Mais les mouvements désorganisés ne font que renforcer l'éventuelle naissance de système de plus en plus répressif. Ce qui éclipse le bon sens aux revendications. L'Algérie n'est pas la Tunisie, encore moins le Maroc .Point de similitude», devait–il lancer avant de poursuivre : «De telles réactions seraient ‘‘normales et positives'' si elles étaient organisées. Dans le cas contraire, elles ne font que monter la fièvre, et aggraveront le malaise.» A l'instar de la majorité de la population, ce sociologue s'interroge sur la nature de ce soulèvement aux contours indéfinis. En ce sens d'ailleurs, un père de famille lâchera : «Personnellement je ne comprends pas comment un jeunot de 16 ans puisse se préoccuper de la hausse du prix de l'huile !» Alors que, pour d'autres personnes, cette vague de protestation renferme bien des secrets, car, pour eux, «quoique le mal de vivre soit bel et bien ancré dans la société algérienne en raison notamment de la dégradation du pouvoir d'achat et du chômage, cette démarche anarchique ne fait que jeter de l'huile sur le feu, et donc la spirale de la violence freine tout essor de concertation». Des citoyens ont été plumés aux abords de quelques axes populeux à Ben Chergui, El Guemmas, Sidi M'cid. «J'ai vu des jeunes racketteurs agresser des automobilistes, leur subtilisant de l'argent», a témoigné hier un habitant. A la nouvelle ville, beaucoup de magasins ont été saccagés et vidés par des émeutiers. «Ce n'est pas de la sorte que l'on revendique un contrat social», a estimé un universitaire questionné à propos de ces actes de protestation colorés intensivement par des «saccages» ne reflétant guère les réclamations exprimées. D'un autre point de vue, «si les jeunes ne tapaient pas fort, leurs revendications demeureraient lettre morte. L'Etat devrait bouger au terme de ces actes car des manifestations pacifiques n'ont jamais aiguillonné le pouvoir à revoir sa copie pour venir en aide à la population. Malheureusement c'est la seule voie pour espérer une fin satisfaisante», analyse un jeune employé à mi-temps dans un commerce. La révolte qui a émaillé l'ensemble de la wilaya a été marquée par de nombreux dégâts matériels et humains. Policiers et gendarmes ont été blessés et c'est le cas pour les manifestants dont des arrestations se sont poursuivies hier matin. Toutefois, des sources concordantes confirment que la majorité des interpellés sont des jeunes «malfaiteurs» appartenant à des cercles de banditisme. Mieux, certaines personnes que l'on a interrogées hier aux alentours de la cité laissent entendre que, certes, le malaise social est là et personne ne peut le nier. Néanmoins, la façon dont on demande n'est nullement appropriée. Il n'empêche que des ménages constantinois de faible revenu s'interrogent sans retenue sur le mutisme affichée par les pouvoirs publics qui n'ont pas daigné bouger le petit doigt à l'exception de la phrase adoucie du ministère du Commerce ayant trait à la stabilité des prix qui ont augmenté. Aux dernières heures, Constantine demeure plongée dans un climat triste et la population s'impatiente d'entendre les voix officielles apporter leur touche d'accalmie «Evitons-nous cet embrasement !!» Un souhait qui malheureusement n'est pas celui des casseurs…