Face à la tournure prise par les événements et devant le silence des autorités, la Ligue algérienne de défense des droits de l'Homme (LADDH) a réagi, hier, lors d'un point de presse animé par son président, Me Mustapha Bouchachi, lequel impute d'emblée la responsabilité des événements qui embrasent le pays, depuis mercredi dernier, à l'Etat pour avoir verrouillé tous les espaces d'expression pour les jeunes afin de juguler leurs mal-vivre et colère. «La gestion économique et sociale du pays ne peut continuer ainsi. Ce n'est pas la hausse des prix du sucre et de l'huile qui est à l'origine de cette hausse, mais le mal est bien plus profond que cela. Les jeunes qui sont sortis n'ont, pour la plupart, pas connu le 5 octobre 1988, ni la décennie noire, mais ce sont les enfants de l'état d'urgence.» Pour l'intervenant, l'étincelle qui a été à l'origine de la contestation sociale est la décision du gouvernement d'interdire l'informel : «Tout Etat de droit n'est pas interdit de le faire, mais on ne prend pas pareilles mesures sans prendre en considération les milliers de familles qui en vivent et sans offrir des alternatives. L'Etat a affaire à un peuple […] C'est une méthode de gestion policière des affaires de l'Etat», s'indigne Me Bouchachi qui est convaincu que le pouvoir ne se soucie point de ses gouvernés, mais uniquement de son maintien. Exprimant sa réprobation quant à la tournure violente de cette protesta, même s'il estime qu'elle était une résultante logique et prévisible de l'échec du régime politique, ce dernier en appelle à l'ensemble de la classe politique, aux personnalités, aux représentants de la classe politique, au mouvement syndical, afin de coordonner leurs actions en vue d'encadrer la colère juvénile et empêcher que le pouvoir ne la récupère et ne dénature la légitimité incontestable des revendications. Pour Me Bouchachi, il y va de la responsabilité «morale» de la classe politique d'intervenir en vue d'orienter comme il se doit cette jeunesse qui a décidé de crier son ras-le-bol face à la «hogra». Le conférencier estime, par ailleurs, que l'évolution déplorable de la situation est également due à la méthode du pouvoir qui consiste à isoler la société civile de la rue et à créer le vide. Le conférencier regrettera que «même des régimes dictatoriaux disposent d'un programme d'actions, alors que le nôtre ne semble pas avoir de vision à long terme et que le sentiment de responsabilité n'existe pas au niveau du sommet des institutions». A la question de savoir si le mouvement de protestation est le fruit d'une manipulation, Me Bouchachi n'exclut pas cette hypothèse mais s'en tient à l'essentiel, à savoir la profondeur du malaise social qui a poussé les jeunes à sortir dans la rue et d'autres à continuer à risquer leur vie en mer pour changer de pays. «Au lieu de prendre des mesures juridiques pour punir ces derniers, il faut essayer de comprendre les raisons qui les poussent à le faire.» M. C.