Chasser le naturel, il revient au galop. Cinq jours d'émeutes ont fini par mettre le doigt sur une des blessures les plus béantes de notre pays : trop de pression mène automatiquement vers l'explosion.Cela fait, en effet, des années que la scène politique a été neutralisée et les médias muselés. Le mouvement associatif ou ce qu'il en reste, est réduit, quant à lui, à sa plus simple expression. Tous les moyens d'expression connus jusque-là ont été interdits. Si les manifestations «pacifiques» étaient quelque peu tolérées un moment, elles ont été interdites, de manière formelle, depuis le 14 juin 2001, notamment dans la capitale. Toutes les demandes de manifestations publiques, y compris en dehors de la capitale, ont été tout bonnement rejetées. Ne sont tolérés sur l'espace public que les partis de l'Alliance présidentielle et certaines formations qui n'ont d'opposition que le nom. Cette situation a réduit les activités des partis politiques, dits de l'opposition. Ils ne peuvent plus exposer leurs idées ni exprimer leurs positions. Le même sort est réservé aux syndicats autonomes. Seule l'UGTA, qui ne garde de syndicat que les initiales, a droit de cité. Du côté des médias, la situation est semblable. Pis, les médias lourds, enclins à des ouvertures épisodiques, sont de plus en plus fermés à plusieurs segments de la société. Il y a quelques semaines, la radio a initié des émissions «politiques». Au bout de quelques numéros, elles ont tournéesau psychodrame : seuls les partis de l'Alliance présidentielle, deux autres formations politiques, les ministres et les chefs d'organisations patronales ont été invités. La télévision nationale reste l'une des chaînes les plus archaïques dans le monde. La preuve en a été donnée ces derniers jours. Au lieu d'une couverture, plus ou moins objectives des émeutes, «l'unique» a versé dans un stigmatisme qui peut s'avérer dangereux pour la suite des événements. Alors que la rue brûle, le citoyen est obligé de se brancher sur les chaînes étrangères pour avoir des informations sur tout ce qui se passe dans son pays. A-t-on peur des débats ? Visiblement, oui. C'est là une contradiction des plus cinglantes apportée au ministre de la Communication. Nacer Mehal a en effet tenté de vendre une politique de «professionnalisation» de la télévision nationale. C'est raté, encore une fois. Comme toujours.A vouloir tout contrôler, tout verrouiller et tout mâter, on finit par avoir le boomerang sur le visage. C'est exactement ce qui vient de se produire.C'est d'ailleurs l'occasion ou jamais de laisser le pays respirer. Plus que des solutions socio-économiques, l'ouverture du champ politique et médiatique est plus que nécessaire. Car, si la tempête des émeutes va passer inexorablement, le mécontentement, lui, restera toujours de mise. Et on se retrouvera toujours dans une spirale qui risque de finir mal. A. B.