La réaction de certains responsables aux émeutes qui touchent encore plusieurs régions du pays laisse les observateurs les plus avertis pantois. Abdelaziz Belkhadem, secrétaire général du FLN et représentant personnel du président de la République, et Daho Ould Kablia, ministre de l'Intérieur, ont insisté sur le fait qu'il faut «manifester dans un cadre pacifique». Le propos est d'emblée intéressant. C'est même dans l'air du temps. Mieux, c'est un discours de responsables civilisés.Le problème n'est donc pas au niveau des concepts ou dans la finalité des propositions. Le drame chez nous est qu'à entendre certains responsables parler, on a l'impression que deux mondes les séparent des autres Algériens. Sans vouloir verser dans un discours moralisateur, il suffit de se référer aux évènements de ces derniers jours pour avoir une réponse des plus cinglantes à ces affirmations de responsables politiques. Deux artistes, connus pour leur pacifisme, sortis dans la rue, à Oran, pour manifester de manière pacifique, ont été tout simplement interpellés par la police. Un policier a même osé retirer le drapeau à une artiste qui tentait de manifester. Hier encore, les portes de l'université de Bouzaréah et d'autres encore ont été fermées face à des étudiants qui voulaient manifester de manière pacifique. La police et les services du ministère de l'Intérieur et des administrations locales refusent systématiquement de donner des autorisations aux partis politiques et syndicats qui sollicitent le «permis» de manifester. Pis, cela ne se passe pas uniquement à Alger. Il n'y a pas que les manifestations publiques qui sont interdites. Des organisations des droits de l'Homme et des formations politiques de l'opposition n'ont pas été autorisées à organiser des rencontres même dans des endroits clos. C'était le cas de la Ligue algérienne des droits de l'Homme qui, il y a une année, voulait organiser un séminaire sur l'abolition de la peine de mort. La Ligue que préside Mustapha Bouchachi était obligée de tenir sa rencontre dans un minuscule siège situé au cœur d'Alger. Ce ne sont que de petits exemples parmi tant d'autres qui confirment que cette histoire de «manifestation pacifique» est dans les meilleurs des cas un leurre. Cela ne doit surtout pas justifier ni donner du crédit aux actes de pillage et de destruction qui sont monnaie courante ces derniers jours. Toutes les violences sont naturellement condamnables car elles ne règlent pas tous les problèmes. Surtout dans un pays, comme le nôtre, où la violence a beaucoup plus aggravé une situation déjà précaire.Mais rappeler des évidences est aujourd'hui nécessaire. Car dire que les manifestations publiques sont autorisées n'est pas forcément une vérité. Cela se confirme par le mutisme des médias lourds. Ce qui oblige les Algériens à s'orienter vers des chaînes étrangères pour s'informer de ce qui se passe chez eux. Avec tout ce que cela peut comporter comme danger, à l'image d'un militant d'un parti dissous qui s'est exprimé, samedi dernier, sur El Djazira pour appeler les jeunes à poursuivre les actes de violence. Il est donc nécessaire, à l'avenir, de réfléchir à cette question et de rendre l'autorisation de manifestations publiques effective. A. B.