La culture générale et le pathos des dirigeants politiques se ressemblent fondamentalement, sont interchangeables, à l'échelle du monde arabe. Et surtout au plan maghrébin où la génération qui gouverne, hormis le jeune Mohammed VI, a baigné dans le même bain depuis les années 50. Et comme disait Saint-Exupéry : «On vient de son enfance comme on vient d'un pays, avec l'accent.» Ce dernier est entièrement fait, dans une symbiose d'archaïsmes et de régressions, de populisme, d'ignorance, d'un fort sentiment d'omniscience révélateurs de blocages intellectuels et de postures qui cachent mal une incompétence crasse et une inculture ravageuse. Les récentes émeutes, avec morts d'homme et dégâts considérables, qui ont secoué l'Algérie et la Tunisie, ont mis à nu, une fois encore, le profond hiatus définitif entre gouvernants et gouvernés, entre générations, entre des richesses, une corruption indécentes et l'extrême pauvreté des populations privées de libertés, d'expressions, de canaux légitimes de représentation et d'élites culturelles proches d'elles et aptes à s'indigner et à dire haut et fort l'état de leur société.La culture dominante s'articule sur deux pôles contradictoires, qui, selon les périodes et les dirigeants, peuvent se voir éventuellement comme des ennemis irréconciliables. Le pôle qui gouverne sur une base «historique», «révolutionnaire» ou par la prise du pouvoir par les armes, la triche ou la manipulation populiste des gens s'estime être le propriétaire d'un pays sans compétence ni diplômes particuliers, chargé d'une mission quasi divine qui en fait le seul et unique acteur apte à gouverner, organiser sa succession et accaparer toutes les richesses, les décisions et les choix des hommes et leurs destins. Le deuxième pôle, majoritaire, brasse en vrac les couches moyennes, les plus démunis, les chômeurs, les fonctionnaires (tous secteurs confondus), les forces armées, la police, plus ou moins enrôlés dans un syndicat et un groupement de partis, censé gouverner, prévoir l'avenir pour tous et détenir le monopole absolu sur les pensées, les actes et les trajectoires individuelles de millions de sujets.Cependant, en ce XXIe siècle, les mutations brutales générées par la mondialisation, l'irruption massive des ONG, des droits de l'Homme, de systèmes de communication et d'information instantanés, omniprésents H24, les ingérences des puissances qui vendent des aliments, des armes, des médicaments, relativisent des pouvoirs qui se pensent absolus, fortement contestés par les cultures «violentes», populaires, pratiquement iconoclastes. Empêcher une version libre de films sur Abane, Boudiaf ou Boumediene peut retarder des échéances mais non inscrire la victoire pour toujours du déni de réalité, de la vérité. Les images très violentes qui font le tour du monde, par un clic, les messages qui s'échangent entre des Maghrébins qui ne se connaissent pas mais partagent les mêmes douleurs et de mobilisateurs espoirs sédimentent et mettent en exergue le ridicule de discours et d'analyse abscons. Pendant que le champ culturel se réduit aux autorisations de certains fonctionnaires allergiques au suffrage universel et à la déclaration du patrimoine, grâce à l'article scélérat sur le cinéma, la jeunesse voit toute la production mondiale, des systèmes démocratiques sur des médias qui rivalisent d'audace, de liberté et de débats contradictoires, donc fédérateurs et pacificateurs. Ici, on fait assaut de «tours» pour faire acheter des équipements pour la TNT, pour un programme unique impossible à connaître clairement sur un journal ou une émission hebdomadaire. La jeunesse, livrée depuis des années aux chaînes «ennemies», fait savoir régulièrement que, pour beaucoup, l'heure est venue de passer la main. Dans l'intérêt du pays qui appartient à ceux qui souffrent, pas aux comptables des barils. Les jeunes et le pays sauront être reconnaissants et honorer longtemps ceux qui auront ouvert portes et fenêtres et transmis le témoin démocratiquement à l'avenir. Encore faut-il que des décideurs en mesure d'aérer la maison Algérie existent, aiment leur pays au point de consacrer l'alternance, une libre culture et l'ouverture des médias à toutes les composantes de la société, sachant qu'il y a de jeunes c… mais aussi de vieux… A. B.