La rue tunisienne continue à gronder contre le régime Ben Ali, au lendemain de son troisième discours prononcé jeudi dernier, après près d'un mois d'émeutes. Une situation confuse régnait hier dans le pays. Le discours apaisant du chef de l'Etat n'a pas empêché de nouveaux affrontements entre manifestants et forces de l'ordre, dans lesquels treize nouvelles personnes ont trouvé la mort dans la région de Tunis, portant le bilan officiel des affrontements qui agitent la Tunisie à 23 morts. La Fédération internationale des ligues de droits de l'Homme (FIDH) parlait jeudi dernier de 66 morts. Le président tunisien Zine El Abidine Ben Ali revient à la charge. Il décide de limoger son gouvernement et d'appeler à des législatives anticipées dans six mois. Le Premier ministre Mohammed Ghannouchi, qui l'a annoncé, a ajouté avoir été chargé de former le nouveau gouvernement. Cela intervient après une série de mesures, libérées par doses homéopathiques, par le président Ben Ali, qui s'engage à quitter le pouvoir au terme de son mandat en 2014, à l'arrêt des tirs sur les manifestants et à lever la censure sur Internet. Il a, en outre, assuré avoir été «trompé» sur l'analyse de la crise sociale et affirmé que l'enquête qu'il a ordonnée serait indépendante et établirait les «responsabilités de chacun». Avec autant de gages, le président Benali parviendra-t-il à désamorcer la crise ? La question mérite d'être posée, car au lendemain des promesses démocratiques du président tunisien, qui avaient été pourtant bien accueillies par l'opposition, des manifestations s'étaient produites à Tunis et en province. L'opposition tunisienne a réagi plutôt positivement au discours du président Ben Ali. Et à la demande de la rue d'un gouvernement d'union nationale, le ministre tunisien des Affaires étrangères, Kamel Morjane, a estimé hier sur Europe 1 que la formation dans son pays d'un gouvernement d'union nationale était «tout à fait faisable» et «même normale». «Avec le comportement de gens comme M. Néjib Chebbi, je crois que c'est faisable, c'est même tout à fait normal», a déclaré le chef historique du Parti démocratique progressiste (PDP), formation légale d'opposition, mais non représentée au Parlement. «Le Président est un homme de parole», a-t-il assuré. En ce moment-là, certains pays occidentaux évacuent leurs ressortissants de Tunisie. L'Union européenne s'est félicitée hier de l'annonce du président tunisien Zine El Abdine Ben Ali qu'il ne briguera pas un nouveau mandat en 2014, y voyant un moyen d'assurer «une transition en douceur» à la tête du pays. La France, pour sa part, encourage le président tunisien qui a annoncé des mesures de libéralisation, après un mois d'émeutes et de répression, à poursuivre dans la voie de «l'ouverture», a déclaré hier le porte-parole des Affaires étrangères. La veille, le Premier ministre français François Fillon a, pour la première fois, condamné l'«utilisation disproportionnée de la violence», a-t-il dit, rejoignant les positions exprimées par l'Union européenne et l'administration Obama qui avaient déjà condamné l'usage de la force dans des termes similaires. A. R.