De notre correspondant à Béjaïa Kamel Amghar La mission essentielle de l'école primaire était autrefois celle d'inculquer à l'élève les notions de base : savoir lire, écrire et compter. En matière de littérature, on commence toujours par le commencement : l'alphabet en premier, les mots ensuite, puis viennent les phrases. Pour le calcul, on apprend d'abord les chiffres avant de passer aux tables de multiplication, soustraction, addition et division. Durant les années 1960, 1970 jusqu'au début des années 1980, l'Algérie avait strictement appliqué ce système classique. Les résultats étaient là. A la fin du cycle primaire, l'élève - quel que soit son niveau- est généralement capable de rédiger une lettre, d'écrire une demande administrative, de lire et de comprendre un texte ordinaire comme il peut effectuer aisément des opérations de calcul. Le manuel scolaire comportait beaucoup de lecture suivie et dirigée. A tour de rôle, les apprenants lisent à voix haute pour améliorer la prononciation et respecter la ponctuation. Les exercices de dictée étaient aussi quotidiens. Les séances de calcul ouvrent les yeux sur l'univers magique de la logique mathématique. Au cycle moyen, on passe après aux grands classiques de la littérature et aux mathématiques proprement dites (géométrie, algèbre). La réforme dite de l'école fondamentale, introduite au milieu des années 1980, a complètement chamboulé toutes ces méthodes pédagogiques. L'enfant est directement confronté aux phrases avant de maîtriser l'alphabet. Les cours d'écriture à l'encre et au porte-plume ont disparu. Les séances de conversation aussi. La lecture est reléguée au dernier plan. Le maître d'école se met à dispenser des cours de chimie, d'écologie, d'informatique e de jurisprudence religieuse à des élèves qui ne savent même écrire leur nom. «On est allé trop vite en besogne. On s'est vite aligné sur des systèmes occidentaux sans mettre les moyens nécessaires. Les profils des élèves, de part et d'autre, sont également très différents», souligne Tahar, un enseignant en retraite. Conséquence : l'enfant achève les neuf années de son cursus fondamental sans pouvoir écrire ni lire avec aisance. «Des lycéens ou même des étudiants à l'université sont aujourd'hui incapables de rédiger correctement un rapport ou une dissertation quelconque. C'est une catastrophe!», constate Lhachemi, ancien inspecteur de l'éducation. L'initiative prise par le ministère de l'Education nationale et celui de la Culture pour la réhabilitation de la lecture dans le milieu scolaire a été conséquemment accueillie avec beaucoup d'enthousiasme par les pédagogues et les parents d'élèves. L'accord conclu entre les deux départements ministériels, qui entrera en vigueur l'année prochaine avec la rentrée 2011/2012, oblige théoriquement les écoliers à lire au moins quatre ouvrages par année en résumant le contenu de chaque livre dans un petit texte de leur création. Si tous les acteurs ont salué cette entreprise, il va sans dire que le résultat espéré dépend de son application réelle sur le terrain. La surcharge des programmes scolaires, la place qui sera accordée à cette nouvelle matière dans le système d'évaluation et la qualité du suivi sont autant de paramètres qui risquent de peser sur sa portée réelle. Les anciens, qui regrettent la régression de la qualité de l'enseignement de manière générale, plaident pour le retour - pur et simple - au système classique afin de dépasser toutes ces contraintes. Une question de fond qui mérite, bien entendu, beaucoup de réflexion.