Le ministre de l'Intérieur, Daho Ould Kablia, s'est encore une fois porté au secours d'une communication officielle opaque. Mais au lieu de jouer l'apaisement, le ministre de l'Intérieur a fait usage, dans l'entretien accordé hier à nos confrères de Liberté, une nouvelle fois de propos susceptibles d'exacerber la situation. En affirmant, à titre d'exemple, que la marche du RCD n'a pas mobilisé, le ministre de l'Intérieur a tout de même omis un détail très important : on ne peut pas évaluer une marche qui n'a pas eu lieu.Qu'à cela ne tienne, Daho Ould Kablia est allé à l'encontre des principes mêmes de la Constitution algérienne en affirmant que «les marches sont interdites à Alger». Or, dans les fondements de la loi algérienne, le droit de manifestation est garanti, tout comme le droit à la liberté d'expression.L'autre question importante contenue dans les propos du ministre de l'Intérieur est celle relative à la liberté d'expression. En admettant que les Algériens ne «peuvent pas s'exprimer dans les médias lourds», Daho Ould Kablia jette de nouveau un pavé dans la mare. Ce n'est plus un parti de l'opposition qui le dit, ni de simples manifestants, mais bel et bien un ministre de souveraineté. Ce dernier reconnaît plus que cela. Il admet, à titre d'exemple, que «le mal est profond» et qu'il y a «absence de liberté».La question qui vient automatiquement à l'esprit est celle de savoir comment des responsables de ce rang, conscients des problèmes de la population, n'agissent pas ou très peu. La preuve de cette inaction est donnée par le même intervenant qui soutient que l'Etat était au courant que des émeutes allaient éclater. Lorsque l'Etat est au courant, cela veut dire également que le même Etat connaît les vrais problèmes qui se posent à la population de manière générale et à la jeunesse en particulier. Ces problèmes sont connus de tous, et depuis longtemps. Cela est d'autant plus inexplicable que le gouvernement est en train de se désister de ses prérogatives pour calmer le front social. Au lieu de solutions en profondeur, l'Etat a décidé de mettre en place des mécanismes temporaires, et parfois dangereux. Il en est ainsi du gel du retrait du permis de conduire et celui des contrôles sur le marché informel. Cela peut s'avérer porteur dans l'immédiat, puisque la décision peut à la limite calmer les esprits de certains. Mais elle pourra avoir des conséquences incalculables à l'avenir. La porte sera ainsi ouverte à tous les dérapages. Alors que l'Etat peut - et il en a les moyens - appliquer ne serait-ce que ses engagements pour calmer le front social. Or, après la promesse d'augmenter les salaires, les fonctionnaires attendent toujours. Ceci au moment où les prix des produits de large consommation (pas seulement le sucre et l'huile) ont flambé de manière absolument vertigineuse, sans parler du prix du logement qui est inaccessible pour la majeure partie de la population.Ce qui revient à rappeler les problèmes du citoyen lambda. Des problèmes qu'on peut résumer par un seul mot employé par le ministre de l'Intérieur lui-même : le mépris. A. B.