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Le jour de tous les espoirs
Publié dans La Tribune le 12 - 02 - 2011

La journée et la nuit du 10 février 2011 marqueront à coup sûr l'histoire de l'Egypte et celle du monde arabe, après la fuite éhontée de Ben Ali poursuivi pour ses crimes et la prédation organisée par lui. Jeudi dernier, un autocrate et son adjoint ont fait écouter à leur peuple et au monde entier deux discours qui sont désormais des classiques pour les écoles de psychiatrie. Ni stratégie de haut vol, ni petits calculs politiciens de bas étage bien connus des rues arabes, Moubarak et son chef des renseignements ont été… hallucinants ou dopés à la drogue forte du pouvoir. Lâché par tous ses alliés et mentors, le régime égyptien est bel et bien fini. Ses heures sont comptées, à moins qu'un bain de sang monstrueux lui fasse gagner un sursis, sur des cadavres et des ruines.Qu'a trouvé Moubarak ? Du bout des lèvres, l'Arabie saoudite, La Mecque du «lavage des os» des pécheurs du monde musulman et quelques sous-préfectures américaines ont dénoncé «l'ingérence étrangère». Lorsqu'on a servi de base militaire pour déclencher l'effondrement de l'Irak et rayé de leur vocabulaire El Qods, certains théocrates devraient traiter plutôt leurs obésité, maladies physiques, mentales et laisser les Egyptiens liquider un régime gangrené et aller vers la démocratie. Les Frères musulmans n'ont pas de candidat à la prochaine présidentielle en Egypte et n'ont aucune chance de dominer le futur parlement. Tout l'Occident en prend conscience très tardivement et, contraint et forcé par le peuple d'Egypte qui donne au monde de formidables leçons de courage, de maturité, de dignité, de créativité, sur des places publiques, jour et nuit, de reconnaître que Moubarak (comme Ben Ali hier) n'est qu'un boulet nauséabond et que l'Egypte a droit à toutes les libertés arrachées. Ces dernières, malgré le couvre-feu, les nervis si communs à tous les régimes autoritaires, les assassinats par centaines, le sale travail des médias publics, le silence complice des dirigeants et des partis au pouvoir dans le monde arabe, sont maintenant à ceux qui les ont gagnées de haute lutte. A l'évidence, les rues arabes et celles d'Algérie ont suivi heure par heure, grâce à des chaînes de télévision étrangères, les révolutions en Tunisie et en Egypte dont personne ne peut deviner les contours définitifs.Moubarak a cristallisé des rejets définitifs, non soignables, et des césures dans son pays. Déjà, des craquements se font entendre de l'intérieur même de l'armée d'Egypte. Le Raïs, rien que pour avoir fait courir à l'armée une éventuelle implosion, le risque de tirer sur les foules, mérite amplement le jugement des hommes, des femmes et des responsables politiques arabes. En Algérie et ailleurs. Et il y a cette journée du 12 février 2011, ici.Qu'elle se passe de manière pacifique, civilisée ou pas, cette journée du 12 février 2011 marquera l'évolution du pays. En conformité avec la Constitution, les libertés élémentaires et indexée par les séismes actuels qui caractérisent les pays arabes, la marche en question a été interdite par le wali d'Alger. Et après ? Le pays, pour ne prendre que les dix derniers mois, a totalisé un nombre impressionnant d'émeutes plus ou moins violentes, de grèves, de routes coupées par des manifestants, de révoltes, d'immolations, de hargas, de blessés, d'arrestations, etc. Ces accès de fièvre, ces colères populaires, soigneusement, stupidement occultées ou déformées par les médias publics veulent pourtant bien dire quelque chose. Une fois ridiculisés, les discours contre-productifs sur «la main de l'étranger», «la manipulation de forces occultes» (jamais identifiées comme telles et jugées comme telles) et une fois démontrée l'impuissance des partis de la majorité pour anticiper, aller à la base pour expliquer et convaincre, la tendance pour le moment est de faire intervenir la police, d'actionner la justice et de prendre des décisions sous la pression qui s'avèrent incohérentes, inopérantes et souvent contredites ou annulées. Le 12 février 2011 peut être le moment idéal pour rompre avec des pratiques et des mécanismes obsolètes depuis longtemps et pour toujours. C'est faisable dans ce pays.
Les Algériens, les gouvernements étrangers, les experts ici et à l'extérieur, auront à l'évidence les yeux braqués sur Alger et sur les chaînes de télévision étrangères qui seront facilement alimentées ne serait-ce que par des téléphones mobiles. L'Internet, les réseaux sur Facebook seront de la partie, reste à espérer que l'ENTV filmera, a filmé les préparatifs de part et d'autre pour que cela serve à l'écriture de l'histoire politique du pays. La journée de ce 12 février 2011, qui n'a rien à voir avec les pérégrinations du désormais légendaire 12 S, se passera d'une manière ou d'une autre, à la lumière de ce qui se passe chaque jour en Tunisie, en Egypte, en Jordanie et ailleurs. Il y a bien entendu des secteurs susceptibles d'être soumis à une «contagion» égyptienne et/ou tunisienne. Des peuples en colère exigent une constituante. C'est là une vieille revendication algérienne reprise il y a peu par des courants à l'APN proche de l'Alliance présidentielle. Les médias publics et les journaux gouvernementaux vivent des secousses irrémédiables en Tunisie et en Egypte. Pourquoi pas en Algérie ? L'UGTA, non plus, n'est pas immunisée contre les attaques que subissent avec succès les syndicats officiels en Tunisie et en Egypte. Les rapides évolutions imposées d'abord par la rue et ensuite par de grandes puissances sont plus ou moins «accompagnées» en Algérie. On entend et on lit des acteurs qui, jusque-là, penchaient vers le… milieu prendre un courage insoupçonné pour dire les impacts déjà vieux de la Toile sur les opinions, l'utilité «subversive» de Facebook, etc.Ce samedi 12 février 2011 peut autoriser de grands espoirs. Soit les marches sont autorisées et protégées par les forces de l'ordre, après discussions avec les organisateurs comme dans les grandes démocraties, soit le gouvernement fait exactement ce qu'ont fait les gouvernements arabes jusqu'à la chute de Ben Ali et la fin proche de Moubarak. En différant des réformes politiques audacieuses, l'Algérie perdra du temps en maintenant des personnels obsolètes qui tiennent chaque jour des annonces et des discours abscons qui ajoutent à la colère, au désarroi, sans jamais parler de politique, de mutations mondiales et surtout de celles qui agitent nos voisins et le monde arabe. La situation faite de mépris et de menaces face aux paramédicaux et aux étudiants est un marqueur pertinent de l'incompétence, de l'amateurisme de beaucoup de ministres qui ne rendent pas fier le pays. L'agriculture, «l'assouplissement» dangereux pour les délits commis au volant (initié et aujourd'hui critiqué en France), la durabilité des bidonvilles, le drapeau hissé devant les importateurs…la liste est trop longue des dégâts que cause l'administration. Assurément, cette journée peut être celle du début d'une autre réconciliation ou celle d'autres fractures. C'est le moment de démontrer qu'il y a de vraies différences entre le régime algérien et les dictatures arabes.
A. B.


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