Photo : Sahel Par Amirouche Yazid Les étudiants rassemblés hier devant le siège du ministère de l'Enseignement supérieur n'ont pas eu l'interlocuteur qu'ils demandaient. C'est la matraque qui leur a été proposée à quelques mètres des bureaux de Rachid Harraoubia, le premier responsable du secteur décrié par des milliers de futurs ingénieurs venus des quatre coins du pays. «Wizara heggara», scandaient les étudiants, empêchés par un cordon de sécurité d'avancer vers le siège du ministère, d'où sortaient des policiers en uniforme et en civil. Interdits d'accès au ministère, les étudiants ont eu droit à des provocations de la part des agents de l'ordre. «Rejoignez vos classes et laissez-nous tranquilles», entendent les étudiants de la bouche des agents, qui n'ont pas hésité, à maintes reprises, à utiliser la matraque de manière sauvage contre les manifestants, qui se posent des questions sur leur avenir. Donc, celui du pays. Triste image pour un pays où l'étudiant se fait bastonner pour avoir dit «non» à un décret par ailleurs irrationnel et rétrograde. Cela fait plus de deux semaines que les étudiants de l'ancien système sont montés au créneau pour dire leur désapprobation à l'égard du décret 10-315, qui réduit le savoir et les titres à une succession d'années. Une étudiante de l'ex-INC exhibe une pancarte sur laquelle est écrit : «INC 3 n'égale pas 4». Mais les élèves de cette école supérieure, mitoyenne avec le siège du ministère, ont été empêchés de rejoindre le rassemblement composé d'environ 4 000 étudiants. «Nous attendons une réponse par écrit de la part de la tutelle. Les promesses du ministre n'ont aucune valeur. C'est de la poudre aux yeux», estime un étudiant dans le département des sciences de l'ingéniorat à Boumerdès. Ce n'est que vers 12h20 que les milliers d'étudiants ont pu se rapprocher du siège du ministère de l'Enseignement supérieur où personne, parmi les agents, ne se hasardait à miser sur la présence de Rachid Harraoubia, prié de «dégager». Mais avant que le cordon de sécurité n'ouvre la voie aux manifestants, le mal était déjà fait. Uun étudiant matraqué par un CRS à été blessé. La victime reviendra un quart d'heure plus tard la tête bandée d'un pansement. Les étudiants témoignent que la brutalité et le recours à la matraque ont déjà été utilisés dans la soirée. «Ils nous ont massacrés dans la nuit de dimanche à lundi alors que nous organisions un sit-in devant le ministère. Les CRS nous ont chassés avec violence. Nous n'avons dû notre salut qu'aux étudiants de l'ex-INPS qui nous ont hébergés», raconte un étudiant de l'Ecole de l'hydraulique de Blida. Dans la nuit de mercredi dernier, le ministre a accepté de recevoir une délégation des étudiants. Les négociations n'ont rien donné. Jeudi, le ministre a réuni les recteurs d'université et les directeurs d'école pour une issue identique. Jusqu'à hier après-midi, les étudiants de l'ancien système - avant le lancement du LMD - campaient devant le ministère. «C'est notre avenir qui est en jeu», déclarent unanimement les futurs ingénieurs des différentes universités et des huit grandes écoles (ENP, ESI, ENSA, EPAU, ENSSMAL, ENSSEA, ENSH et l'ENSTP). Les étudiants comptent manifestement maintenir la pression jusqu'à l'annulation du décret présidentiel 10-315 du 13 décembre 2010 qui fixe la grille indiciaire des traitements et le régime de rémunération des fonctionnaires. Ce nouveau texte est contesté par les étudiants du système classique (ingéniorat, magistère et doctorat), qui s'estiment déclassés et dévalorisés comparativement à ceux inscrits dans le système LMD (licence, master, doctorat).