A nouveau cadre juridique de lutte antiterroriste, nouvelle situation opérationnelle et… politique. Le communiqué du dernier Conseil des ministres aura beau dire qu'il n'instaure «aucune situation nouvelle», les modifications ainsi apportées créent nécessairement un nouveau contexte. Il y a d'abord l'adaptation du code de procédure pénale qui permet une valorisation du renseignement opérationnel fourni par des repentis du terrorisme. Désormais, sous le couvert de garanties constitutionnelles et dans le respect affiché des instruments internationaux ratifiés par l'Algérie, les terroristes, à même de faire avancer les investigations d'un juge, bénéficieront d'une résidence temporaire protégée. Il y a ensuite la création d'un «guichet unique» sécuritaire. En effet, les deux ordonnances complétant et modifiant le cadre juridique de lutte antiterroriste privilégient l'unité de commandement et visent à renforcer l'efficacité opérationnelle des unités de combat. Le législateur confie donc à l'état-major de l'ANP la conduite et la coordination de lutte contre le «terrorisme et la subversion». Légitime de penser alors que tous les services compétents, c'est-à-dire la police, la gendarmerie, les forces d'intervention du DRS et l'ensemble des forces supplétives, sont mis à la disposition de l'état-major de l'armée. A charge pour lui d'en assurer l'efficace coordination et de favoriser des synergies, notamment en termes de mutualisation du renseignement. Au sens stricto sensu du droit, les modalités d'exécution seront précisées par arrêté conjoint des ministres de la Défense et de l'Intérieur, tutelles respectives du DRS et de la gendarmerie, de la police et des forces auxiliaires. Ce choix, logique en soi, découle-t-il d'un partage équitable ou équilibré des responsabilités à l'heure des futures évaluations d'étapes et des bilans consolidés ? A voir. Pour l'instant, les nouveaux textes reconduisent les missions de «sauvegarde de l'ordre public hors situations d'exception», précisées dès décembre 1991. Fait nouveau, ils élargissent ces prérogatives à la «lutte antiterroriste et à la subversion». Si le fait de confier alors à l'armée l'exécution et la coordination de la lutte antiterroriste est justifié par l'évolution dans le temps et dans l'espace de la menace terroriste, l'extension de sa compétence à la «subversion» suscite en revanche des interrogations. Questions d'autant plus légitimes qu'antiterrorisme et subversion sont additionnés ou mélangés. Selon le dictionnaire, la «subversion» signifie le bouleversement, le renversement de l'ordre établi, des idées et des valeurs reçues, surtout dans le domaine de la politique. S'agirait-il donc d'une implication de l'ANP dans la répression de tout mouvement de contestation éventuel qui serait jugé assez destructeur et suffisamment séditieux pour que l'armée soit engagée pour le réprimer ? La question est d'autant plus têtue que les aiguilles du changement populaire dans le monde arabe tournent dans le sens de l'impératif démocratique. Dans le bon sens de l'Histoire. Celle que les peuples écrivent avec un grand H majuscule lorsque leurs aspirations démocratiques se heurtent à un plafond de verre. N. K.