Plus de deux heures de délire. C'est le temps que s'est donné, hier, Mouammar Kadhafi pour s'adresser à son clan refugié dans une kheïma pathétique. Affaibli par l'ampleur des manifestations, le guide libyen s'est renfermé dans un petit périmètre pour espérer reprendre confiance. Il faudrait relever que Kadhafi, après dix-sept jours de contestation, ne croit plus à son propre discours. A l'exception de celui de la menace. Il était donc nécessaire pour lui de mobiliser d'autres acteurs pour tenter de planter un décor qui contrasterait avec ce qui se passe réellement dans les villes libyennes. Ce triste rôle a été confié à quelques clients du régime qui réclament le maintien de Kadhafi au pouvoir. Dans un rôle clownesque dont il maîtrise parfaitement l'accomplissement, le tyran de Tripoli a fêté hier ce qu'il appelle l'établissement du «pouvoir des masses». Il est à se demander qui sont ces masses pour un pouvoir qui a tué plus de 6 000 personnes en deux semaines et qui menace d'en tuer davantage si les manifestations perduraient. Il y a indéniablement de réelles craintes de voir la Libye vivre un tel scénario chaotique. Car Kadhafi tente de minimiser l'ampleur de la contestation. «Mon peuple m'aime. Mon peuple est avec moi. Ils m'adorent tous. Ils mourraient pour me protéger et protéger mon peuple», a-t-il monologué avant même son discours-délire. Kadhafi est ainsi capable de lâcher d'énormes mensonges contre la révolution du peuple libyen. La révolution est un moment propice pour le mensonge. Il a soutenu qu'il n'y a jamais eu de manifestations contre son pouvoir. Et, dérision de mauvais goût, il déclare que des libyens sont sortis nombreux dans la rue pour louer ses mérites et sa clairvoyance dans la gestion du pays. Pour Kadhafi, les images des manifestations sanglantes entre révoltés et fidèles au régime sont la pure fabrication des chaînes satellitaires qui voudraient du mal à la Jamahiriya. Face à la menace d'une intervention militaire américaine - une option qui contrarierait la volonté du peuple -, Mouammar Kadhafi promet de semer la mort dans son pays. Le «guide» libyen recourt manifestement à mille et un alibis pour justifier sa folie du pouvoir. Dans le discours d'hier, il exhibe la carte selon laquelle «Kadhafi n'a pas de fonction officielle pour en démissionner. Kadhafi est un symbole». La logique veut que le dirigeant libyen soit justement condamné par l'Histoire à la lumière de ce triste bilan de 42 ans de règne. Aucune institution politique moderne n'a été bâtie depuis son arrivée au pouvoir en 1969. Fou de pouvoir, Mouammar s'est fixé comme objectif de réduire le pays à sa petite personne. Le «chef» libyen peut se servir de toutes sortes d'alibis pour rendre éternel son triste règne. A. Y.