Sortie n Se présentant comme un «guerrier bédouin» qui a apporté la gloire à son pays et comme le chef de la Révolution, Mouammar Kadhafi a déclaré hier qu'il ne quitterait pas la Libye et qu'il se battrait jusqu'à la dernière goutte de sang. Kadhafi, au pouvoir depuis plus de 40 ans, a menacé hier les manifestants armés de «la peine de mort» et appelé l'armée et la police à reprendre la situation en main dans un discours retransmis à la télévision. «Rendez vos armes immédiatement, sinon il y aura des boucheries», a-t-il lancé lors de sa première intervention officielle depuis le 15 février. Vers 17h00 GMT, le colonel Kadhafi, drapé dans une tunique marron, poursuivait toujours son discours entamé une heure plus tôt. Le «Guide», qui tenait à la main son Livre vert, recueil de ses pensées publié dans les années 1970 et qui sert de Constitution au pays, a également affirmé qu'il se «battra(it) jusqu'à la dernière goutte de son sang». «Mouammar Kadhafi n'a pas de poste officiel pour qu'il en démissionne. Mouammar Kadhafi est le chef de la révolution, synonyme de sacrifices jusqu'à la fin des jours. C'est mon pays, celui de mes parents et des ancêtres», a-t-il affirmé, dans un discours enflammé, en parlant de lui à la troisième personne. Il a menacé les «rebelles» d'une riposte «similaire à Tiananmen (en Chine) et Fallouja (en Irak)». «Tous les jeunes doivent créer demain les comités de défense de la révolution : ils protégeront les routes, les ponts, les aéroports», a-t-il dit. «Tout le monde doit prendre le contrôle de la rue. Le peuple libyen doit prendre le contrôle de la Libye. Nous allons leur montrer ce qu'est une révolution populaire», a-t-il ajouté en lisant un discours parfois ponctué de silences et de bégaiements. «Capturez les rats», a-t-il lancé, en faisant référence aux manifestants anti-régime. «Aucun fou ne pourra couper notre pays en morceaux», a encore dit le colonel Kadhafi, qui s'exprimait devant sa maison bombardée en avril 1986 par les Américains et laissée depuis en l'état. Kadhafi a imputé aux puissances étrangères et aux médias arabes la responsabilité de la révolte qui embrase le pays depuis une semaine. Aux dires du colonel Kadhafi, le mouvement de contestation est l'œuvre d'agents et d'agitateurs étrangers, notamment des Américains et des Tunisiens, qui ont soulevé les jeunes du pays en leur distribuant des «armes, des drogues et des pilules hallucinogènes». Qualifiant les insurgés de «bandes de jeunes rats et de mercenaires», le chef d'Etat libyen les a accusés de chercher à transformer la Libye en un Etat islamique. Ni président, ni roi, ni même général, mais «guide», Mouammar Kadhafi dirige en maître inflexible la Libye depuis quarante-deux ans. C'est, en effet, en 1969 avec la révolution blanche que ce jeune officier de 27 ans est porté au pouvoir après avoir renversé le vieux roi Idris Ier, a aboli la monarchie et s'est autoproclamé colonel. Ce fils de bédouin, inspiré de Nasser, prône à ses débuts le passage à un socialisme arabe teinté de panarabisme.