«Mon peuple m'aime». Reclus dans son bunker d'Al-Azizia, le colonel Mouammar Kadhafi est dans la dénégation de la réalité, alors que sur le terrain, ce qui lui reste de partisans a échoué à reprendre des villes limitrophes de Tripoli. Mais alors que l'insurrection s'organise et se donne une ébauche d'institutions transitoires, son action est parasitée par des appels occidentaux à l'intervention directe. Une option rejetée par les opposants libyens qui n'oublient pas - apparemment Kadhafi aussi - que les Occidentaux ont été, de fait, les plus fermes soutiens au dictateur en échange de ses largesses. Il y a désormais comme une course de vitesse entre une insurrection qui étend son emprise sur le pays et encercle Kadhafi et ses affidés dans le réduit de Tripoli et une volonté de certains pays occidentaux d'intervenir dans un pays riche en ressources fossiles afin de devenir des «actionnaires» de la révolution. L'armée américaine positionne des forces navales et aériennes autour de la Libye, a indiqué le Pentagone, précisant que ses planificateurs étudiaient diverses solutions. Une démarche qui s'inscrit bien dans des tentatives occidentales de justifier une intrusion militaire directe afin de prendre le contrôle des ressources fossiles et surtout de peser sur le cours de la nouvelle Libye. Le fait que la chef de la diplomatie américaine, Hillary Clinton, affirme qu'aucune action militaire impliquant des navires américains n'était prévue dans le pays ne doit pas rassurer. Une source de complications L'opposition libyenne considère qu'une intervention étrangère ne peut être qu'une source de complications et donner, pour la première fois depuis le début de la crise, un début de crédit au discours délirant de M. Kadhafi. L'Organisation de la conférence islamique (OCI) a relayé les préoccupations de l'opposition libyenne en se déclarant opposée à toute intervention militaire en Libye. «Toutes les options devraient être utilisées pour le règlement du conflit par des moyens pacifiques et sans avoir recours à l'usage de la force», a déclaré le secrétaire général de l'OCI, Ekmeleddin Ihsanoglu, devant le Conseil des droits de l'homme de l'ONU réuni en session à Genève. L'Algérie s'est dit «extrêmement préoccupée» et être à «l'écoute de tout ce qui demain peut ramener la sécurité, l'ordre et le progrès en Libye qui est un pays important pour nous», a déclaré le ministre algérien des Affaires étrangères, Mourad Medelci. La situation en Libye «nous préoccupe tous, peut-être nous pays voisins plus que d'autres», a déclaré M. Medelci, relevant que cette situation est «caractérisée par un regain de violence mais également par une disparition des institutions de ce pays de manière visible et progressive». Le message algérien n'est pas très clair s'agissant du rejet d'une intervention étrangère directe dont les effets seraient désastreux. Il est clair que l'opposition libyenne pourrait trouver intérêt à ce qu'une zone d'exclusion aérienne soit décrétée afin d'éviter que le clan Kadhafi, poussé dans ses derniers retranchements, ne se mette à bombarder la population par voie aérienne. Mais une intervention directe des Occidentaux serait une démarche perverse qui ne peut que plaire à Kadhafi dont le discours, totalement creux, trouverait subitement un semblant de crédibilité avec une ingérence occidentale directe. Cette opposition a réussi à repousser plusieurs attaques des forces pro-Kadhafi qui cherchaient à reprendre les villes perdues dans la périphérie de la capitale. Même à Tripoli, où se concentre l'essentiel des milices de Kadhafi, l'opposition fait acte de présence. Des slogans anti-Kadhafi sont ainsi tagués sur les murs. Kadhafi surpris par le lâchage des amis occidentaux La rébellion, qui est entrée hier dans sa troisième semaine, se prépare ainsi à la bataille de Tripoli qui devrait être le moment de la chute finale du dictateur. Outre l'est de la Libye, l'opposition contrôle désormais plusieurs villes autour de la capitale et dans l'Ouest et notamment Nalout (230 km à l'ouest de Tripoli) et Zawiyah (60 km à l'ouest de la capitale). Les villes stratégiques de Misrata, à l'Est, et Gherien, au Sud, sont aussi sous contrôle de l'opposition. Mais les forces pro-Kadhafi auraient réussi à reprendre, en partie, le contrôle des bases militaires aériennes aux abords de Misrata. La ville a néanmoins tenu face à une offensive de forces pro-Kadhafi. Les habitants, soutenus par des unités militaires qui ont rallié la révolution, ont opposé une vive résistance. A Zawya, située à 50 km à l'ouest de la capitale, les habitants ont livré bataille pendant six heures afin de contrer une tentative des forces de Kadhafi de reprendre la ville qui avait été attaquée par l'ouest. L'étau se resserre sur Kadhafi, qui délire ouvertement en affirmant à des journalistes occidentaux que le peuple libyen l'aime. « Ils m'aiment. Tout mon peuple est avec moi. Ils m'adorent tous. Ils mourraient pour me protéger et protéger mon peuple Vous ne comprenez pas le système d'ici, et le monde ne comprend pas le système d'ici, l'autorité du peuple. (Il n'y a) pas du tout de manifestations dans les rues Personne n'est contre nous, contre moi, pour quoi faire ?». Cette perte de la réalité se constate dans la «surprise» éprouvée par Kadhafi à l'égard du lâchage de ses amis occidentaux. «Je suis surpris que nous ayons une alliance avec l'Occident pour combattre Al-Qaïda et qu'il nous ait abandonnés maintenant que nous combattons des terroristes», a déclaré Mouammar Kadhafi. Il a estimé que le président américain Barack Obama était «un homme bien» mais qu'il était victime de «désinformation». Il a encore insisté sur le fait qu'il ne pouvait pas démissionner, n'étant ni président ni roi». Kadhafi n'a décidemment pas compris que c'est fini.