Le peuple libyen vit une véritable guerre civile. Les combats entre les fidèles au régime du colonel Mouammar Kadhafi et les insurgés s'intensifient et une guerre d'informations contradictoires sur le sort du contrôle de plusieurs villes s'est installée. Hier matin, les forces armées libyennes ont affirmé avoir repris le contrôle de Ras Lanouf, de Tobrouk et de Misrata, trois villes qui étaient aux mains des insurgés, mais ces derniers ont contesté ces informations. La télévision d'Etat a même diffusé des images de manifestations de joie sur la place Verte à Tripoli, ainsi qu'à Syrte, à l'est de Tripoli, et à Sebha, au sud. La chaîne Al Libya, qui citait une source militaire, a ajouté que les forces armées se dirigeaient vers la ville rebelle de Benghazi, à 1 000 km à l'est de Tripoli. Fateh Faraj, un membre du conseil des insurgés à Tobrouk, a démenti l'information, soutenont et que Tobrouk n'était pas tombée aux mains des pro-Kadhafi. «La région allant d'Ajdabiya à la frontière égyptienne est sous notre contrôle», a-t-il dit. De même que les dissidents libyens à Ras Lanouf ont affirmé avoir abattu un avion des forces loyales et tué les deux pilotes. Parallèlement à la guerre des déclarations, les combats se poursuivent. Deux personnes sont mortes et une trentaine a été blessée, hier, dans des heurts entre insurgés et partisans du régime de Ben Jawad, à une centaine de kilomètres à l'est de Syrte. A Misrata, les forces armées ont mené une offensive à l'arme lourde où des chars tiraient des obus sur le centre de la ville contrôlé par l'insurrection. Des heurts plus violents étaient attendus dans la soirée d'hier à Benghazi où les troupes de Kadhafi se rendaient. Durant ce temps, Mouammar Kadhafi ne tarie pas de déclarations. Dans une interview à l'hebdomadaire français Le Journal du Dimanche (JDD), le guide libyen s'est déclaré favorable à l'envoi d'une commission d'enquête des Nations unies ou de l'Union africaine pour évaluer la situation. Il a de nouveau brandi les spectres de l'immigration massive en Europe et d'Al Qaïda : «Des milliers de gens iraient envahir l'Europe depuis la Libye. Oussama Ben Laden viendra s'installer en Afrique du Nord [...] Vous aurez Ben Laden à vos portes.» Le colonel a également indiqué considérer les trois pilotes d'un hélicoptère néerlandais, qui avait atterri en Libye sans autorisation, comme des prisonniers. D'autres étrangers ont été fait prisonniers en Libye, cette fois par l'opposition qui a arrêté un diplomate et des militaires britanniques après leur arrivée dans une zone de Libye contrôlée par les insurgés. «Nous savons que du personnel britannique a atterri sur le sol libyen. Cela a créé de la confusion au début, car nous ne savions pas s'ils étaient avec nous ou contre nous», a déclaré un porte-parole de l'opposition, assurant qu'ils étaient «bien traités», sans pour autant préciser s'ils avaient été libérés. Sur le plan international, la décision d'une intervention militaire en Libye n'a toujours pas été prise. Les Etats-Unis restent prudents. Des sénateurs prônent une intervention aérienne pour venir en aide aux populations, tandis que le Pentagone met en garde contre les risques d'une telle action. Le ministre allemand des Affaires étrangères a appelé, pour sa part, à de nouvelles sanctions contre le régime libyen et une nouvelle réunion du Conseil de sécurité de l'ONU. La France, par la voix de son ministre des Affaires étrangères Alain Juppé, estime qu'une intervention militaire en Libye aurait des «effets négatifs». Pour le moment, seule une équipe de l'UE a été dépêchée à Tripoli pour évaluer les besoins humanitaires. Il s'agit de la première mission internationale de ce type en Libye depuis le début des troubles le 15 février dernier. H. Y.