La situation à Bahreïn ne semble pas évoluer, se cantonnant dans un statu quo précaire. Les forces de l'ordre contrôlent le centre de la capitale Manama à l'issue d'un assaut sanglant contre les manifestants chiites, qui s'est soldé par la mort de trois manifestants et de deux policiers. Face à la gravité de la situation, les autorités ont décrété un couvre-feu et annoncé une interdiction des marches et rassemblements à travers le pays. Bahreïn, petite île dans le Golfe peuplée en majorité de chiites, est gouverné par une dynastie sunnite. Une situation qui suscite le ras-le-bol parmi les contestataires. Les jeunes activistes ont appelé hier à une marche dans la banlieue ouest de Manama au moment où des protestations se tiennent dans des localités et des villages chiites. La police quadrille la place de la Perle, épicentre de la contestation contre la famille royale des Al-Khalifa. La place concentre désormais le bras de fer entre le pouvoir et l'opposition. L'assaut est intervenu après la proclamation de l'état d'urgence par le roi Hamad Ben Issa Al-Khalifa, conforté par l'appui des monarchies voisines du Golfe qui ont envoyé des forces pour l'aider à contenir la contestation. Les images ont fait le tour du monde : des centaines de policiers, arrivés à bord de chars, de transports de troupes et de bus, ont pris le contrôle de la place de la Perle. Pour l'opposition, la situation dans le pays est catastrophique. Et l'intervention des troupes du Conseil de coopération du Golfe (CCG) ne fera qu'envenimer davantage les rancœurs. Depuis le début de la contestation, il y a un mois, quinze personnes sont mortes (quatre policiers et onze manifestants). Le chef du Wefaq, parti d'opposition de cheikh Ali Salmane, a dénoncé à la télévision El Jazeera l'assaut, affirmant que «la solution ne viendra pas des canons». Les protestataires occupent la place depuis le 19 février pour exiger des réformes politiques, voire, pour certains, le départ de la dynastie sunnite gouvernant le pays et le changement des règles régissant le pouvoir. Ce dernier a proposé à l'opposition dominée par les chiites un dialogue sur des réformes politiques, une offre restée sans suite en raison de l'exigence par des opposants de la démission du gouvernement. La crise bahreïnie, en plus de son caractère politique, comprend de forts relents ethniques. Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a affirmé que l'intervention de forces des pays du Golfe pour mettre un terme à la révolte populaire était «un acte hideux voué à l'échec». De l'Iran au Koweït, en passant par la ville sainte irakienne de Najaf, les chiites du Moyen-Orient ont condamné la violente répression menée par la dynastie sunnite au pouvoir contre les manifestants chiites de Bahreïn. M. B.