Tout changement dans un pays du Golfe ouvrira l'appétit des autres peuples de la région, ce que les monarchies du Golfe ne peuvent tolérer. Les manifestations ayant secoué le Bahreïn ont fait déjà, depuis lundi, 5 morts et des dizaines de blessés, suite à l'intervention musclée de la police. Le vent de la révolte fait, d'ores et déjà, peur au reste des royaumes du Golfe. D'où la convocation d'urgence du Conseil de coopération du Golfe (CCG, qui comprend outre Bahreïn, l'Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis, Oman, le Qatar et Koweït) lors duquel il a été souligné, jeudi, que la sécurité des pays membres était «une responsabilité collective», affirmant qu'il n'était pas question d'accepter les ingérences étrangères». «L'Arabie Saoudite ne peut que se tenir fermement aux côtés de Bahreïn et ne peut accepter une chute du régime», a déclaré l'analyste saoudien, Khaled al-Dakhil, qui n'exclut pas la possibilité que les protestations de Manama s'étendent à la région orientale à majorité chiite de l'Arabie Saoudite voisine. C'est dire combien les monarchies du Golfe ressentent l'onde de choc des manifestations, qui secouent leur voisin bahreïni, craignant un contrecoup des événements sur leurs propres pays. L'initiative de la réunion du CCG exprime, disent-ils, leur volonté d'éteindre le feu de la révolte avant qu'il ne se répande, afin d'empêcher une extension des troubles qui, selon les monarques du Golfe, feraient le jeu de l'Iran. Lors de cette réunion extraordinaire, jeudi à Manama, les chefs de la diplomatie du Conseil de coopération du Golfe (CCG) ont apporté un soutien ferme à Bahreïn, petit royaume du Golfe «Les pays du Golfe ne peuvent pas accepter un changement radical à Bahreïn», a noté Khaled al-Dakhil, ajoutant que même une monarchie constitutionnelle, principale revendication des manifestants, «ne peut être imposée sans un processus politique qui nécessite du temps». Et d'ajouter, dans le même sens, «qu'un changement rapide pourrait ouvrir la voie à des ingérences étrangères iraniennes et autres, ce qu'aucun pays du Golfe, l'Arabie Saoudite en tête, ne peut tolérer». Par ailleurs, l'armée bahreïnie a été déployée en force, jeudi à Manama, laquelle s'est déclarée déterminée à rétablir l'ordre après la répression sanglante par la police d'une manifestation anti-régime animée par des chiites, qui a coûté la vie à trois manifestants selon les autorités, quatre selon l'opposition. Selon l'analyste Badrakhan, les pays du Golfe soutiendront jusqu'au bout Bahreïn, qui est le maillon le plus faible de la chaîne monarchique, en raison de sa situation économique et de la répartition confessionnelle de la population (un pays majoritairement chiite dirigé par une dynastie sunnite). Visiblement, les régimes du Golfe se sentent en danger face à toute contestation réclamant un changement ou seulement des réformes constitutionnelles. Pour sa part, Riad Qahwaji, directeur du centre de recherches Enigma, basé à Dubaï, estime que l'Arabie Saoudite va devoir soutenir financièrement le régime de Manama «afin de l'aider à résorber la crise économique». Néanmoins, il estime que l'armée bahreïnie peut contrôler le terrain, expliquant que les forces armées sont «totalement loyales au roi, d'autant plus qu'elles sont formées en majorité de sunnites». Cependant, l'analyste stratégique Ibrahim Khayat a déclaré que «la solidarité tribale» prévalant parmi les dirigeants du Golfe, il n'exclut pas une «intervention de l'armée saoudienne à Bahreïn si la situation se dégrade, pour empêcher le mouvement de contestation de faire boule de neige».