Photo : S. Zoheïr Par Karima Mokrani Les médecins résidents annoncent un nouveau débrayage de trois jours, à partir du lundi 21 mars. Toute la corporation est mobilisée pour la satisfaction des mêmes revendications : abrogation du service civil, dispense du service militaire et révision du statut particulier. La semaine dernière, ils ont paralysé les CHU, les EHS et les EPH, durant deux jours. Avant cela, ils ont organisé des sit-in de protestation partout à travers le pays, sans toutefois provoquer la moindre agitation ou débordement. Les résidents en médecine agissent dans un cadre bien organisé, convaincus de la légitimité de leurs revendications et rassurés par le soutien du corps professoral. Des résidents en pharmacie et en chirurgie dentaire adhèrent au mouvement, donnant plus de force et de crédibilité à l'action protestataire. Les paramédicaux avaient paralysé les établissements de santé pendant près d'un mois et étaient prêts à poursuivre leur grève jusqu'à une date non déterminée. Le mouvement a pris une telle ampleur que tous les syndicats autonomes de la santé sont entrés dans l'action et ont affiché publiquement leur soutien. Une réaction qui a donné naissance à une nouvelle organisation autonome appelée «l'Intersyndicale de la santé», décidée à reprendre la lutte dans le secteur de la santé jusqu'à la satisfaction des revendications de tous les corps. Ces derniers considèrent être lésés dans leur droit à un statut professionnel et social qui reflète leurs efforts pour la promotion de la santé et le développement de la médecine. C'est la première fois qu'une intersyndicale de la santé, regroupant toutes les organisations autonomes du secteur, auxquelles s'est ajouté le conseil de l'ordre des médecins, se constitue ainsi et pèse de son poids sur les actions de contestation. Au ministre de tutelle, Djamel Ould Abbès, elle demande des réponses concrètes et immédiates sur un ensemble de revendications socioprofessionnelles. Aussi, elle l'interpelle sur l'élaboration de la nouvelle carte sanitaire qui continue de susciter des controverses. Il y a encore quelques mois, ces syndicats étaient pratiquement absents, n'apparaissant qu'à l'occasion sans faire toutefois trop de bruit. Ils agissaient séparément, chacun dans son espace. Le ministre prétendait ouvrir ses portes au partenaire social, mais seulement pour faire passer des décisions venant d'un plus haut niveau. Il n'y avait pas de véritable dialogue, encore moins de concertation. Depuis, les choses ont changé et les syndicats et les autres organisations autonomes arrivent à faire entendre leur voix. Ils arrivent à s'imposer comme partenaire social et comme acteur majeur de la santé, déterminé à donner son mot pour toute nouvelle décision engageant le secteur. Peut-être que ce n'est pas le cas en réalité - que c'est juste un semblant de changement et d'ouverture -, mais il y a les prémices d'un nouveau rapport de force. Les dernières émeutes «contre l'augmentation des prix du sucre et de l'huile» ont accéléré le processus, mais pas seulement. Il faut dire que c'est toute l'agitation ébranlant actuellement le monde arabe qui y contribue, pour ne pas dire carrément qui est derrière ce soudain «réveil» des travailleurs de tous les corps. Les pouvoirs politiques dans tout le monde arabe se sentent sérieusement menacés et une ouverture démocratique à tous les niveaux s'avère nécessaire. Ne serait-ce que dans la forme pour apaiser les esprits, le temps que les révoltes s'essoufflent. C'est plus une manière de défendre un système en place que de répondre aux véritables aspirations des peuples à une vie meilleure. Les travailleurs du secteur de la santé, comme c'est le cas pour d'autres, d'ailleurs, en sont conscients. C'est pour cela qu'ils brandissent des revendications, toutes leurs revendications. Ils demandent leur satisfaction et y insistent avec force. Ils visent haut, persuadés que c'est le moment ou jamais de changer leur situation. Plusieurs corps de la fonction publique et autres ont bénéficié d'augmentations de salaire, allant jusqu'à 100%. Pourquoi pas eux ? Autre facteur jouant en leur faveur, l'approche des élections législatives et locales. Les futurs maires et représentants des deux chambres au Parlement cherchent leurs voix. Ils les courtisent et espèrent au moins qu'ils ne seront pas contre eux. Les responsables de l'Etat au plus haut niveau œuvrent pour une certaine stabilité. Ce n'est pas du tout le moment de s'encombrer de problèmes «supplémentaires». Pendant des années, l'Algérie à été à feu et à sang. Le peuple algérien a connu des souffrances, des douleurs. Les années de terrorisme l'ont marqué d'une empreinte indélébile. Le désarroi des jeunes nés durant les années 90 témoigne de l'ampleur de la catastrophe. En aucun cas, l'Algérien n'acceptera de revenir en arrière. Ce qui est vécu, aujourd'hui, par différents peuples du monde arabe, l'Algérien l'a subi, il y a des années, dans le silence et l'indifférence totale des autres peuples. Le pouvoir en place joue la carte de la prudence. Il agit de façon à épargner au pays l'anarchie des années du terrorisme, mais aussi à défendre sa «légitimité» et se maintenir en place. Il cède aux revendications, principalement salariales, comptant sur l'argent du pétrole. Les demandes salariales et sociales sont satisfaites progressivement, mais ce n'est pas cela qui va régler les problèmes des Algériens. Le peuple algérien aspire à une véritable démocratie. Il plaide pour le respect de toutes les libertés. Au-delà du salaire - alimentaire, dirions-nous -, il y a le respect de l'Etre.